Drowster voit la vie à travers son téléphone mobile. Le jeune étudiant de l’UQAM est suivi par 33 800 personnes sur son compte Instagram.
À son entrée au café de la rue Émery, l’étudiant remarque tout de suite les grandes fenêtres. La beauté ne lui échappe pas. «J’aime la lumière qui rentre par là», note-t-il. Un peu nerveux, l’étudiant en 3e année du baccalauréat en médias numériques de l’UQAM s’assoit à la table sans commander de café, puisqu’il en avait déjà pris deux le matin même. «Je suis en pleine mi-session», explique-t-il, visiblement épuisé, comme tous les étudiants universitaires lorsque la 6e semaine de la session frappe. La vie de Drowster change plus rapidement qu’un fil d’actualité Facebook et les opportunités sont nombreuses depuis qu’il vit une double vie.
La passion de l’étudiant remonte à un cours d’histoire de la photographie où une professeure aurait allumé l’étincelle. À partir de ce moment-là, il est tombé en amour avec ce qu’il espère être son futur métier. Dans la dernière année, il a transporté son talent en Asie du sud-est où il a tenté de capturer le moment présent avec son appareil photo. Avant ce voyage, il avait exposé Armatures, un projet au cours duquel il a photographié les nombreuses colonnes présentes dans la ville de Montréal.
Donner au suivant
Son aventure en tant qu’instagrameur a commencé en mai dernier. Alors qu’il n’avait que 5 000 abonnés, son compte s’est retrouvé parmi ceux suggérés sur Instagram. «Quand tu te crées un nouveau compte, ça va te suggérer une liste d’utilisateurs avec un fil de photos raffiné et un style particulier. Je me suis aussi retrouvé dans l’onglet explore et c’est toute cette chimie qui a fait BOUM», explique-t-il humblement. Il se dit choyé de recevoir autant d’amour dissimulé en mentions j’aime et en abonnements. «C’est gratifiant de voir que les gens aiment ce que je fais, dit-il, sourire aux lèvres. Mes photos me divertissent, je partage une photo parce que je l’aime et parfois je peux passer 20 minutes à en regarder une.»
C’est grâce à son acolyte Benoit Simard, connu sous le nom de Chefrebin sur Instagram et suivi par 23 500 abonnés, qu’il a pu se retrouver parmi les suggestions de l’application. Nommé par un de ses amis à l’étranger, Benoit Simard a ensuite proposé le compte de Drowster. Il explique qu’Instagram fonctionne avec un système de donner au suivant, comme une chaîne où chaque abonné mis en vedette doit en suggérer trois autres. Benoit Simard ne regrette pas d’avoir donné cette opportunité au jeune artiste. «J’adore ce qu’il fait et comment il est devenu aussi talentueux en si peu de temps. Ça ne fait pas longtemps qu’il fait de la photo, dit son ami enthousiaste. Il a appris vite et selon moi il est un des meilleurs dans la communauté montréalaise.» Il croit que son travail le mènera loin. «Il me dit souvent qu’il rêve qu’une de ses photos se retrouve sur la page couverture du National Geographic. Bien franchement, j’espère et je suis convaincu qu’il a le talent pour le faire», renchérit-il.
La beauté cachée
L’étudiant aime dire que son alter ego, Drowster, est un aventurier. «Exploration expands your mind», s’exclame-t-il. Armé d’un Nexus S4, il est curieux de découvrir la beauté prise pour acquise. Il dévie souvent de son chemin pour tenter de capturer les moments qui se retrouvent dans son fil photographique. La profondeur de ses ombrages, la richesse de ses couleurs et de ses lignes sont ce qui crée une certaine symbiose entre chacune des petites œuvres carrées.
Le photographe de rue fait l’éloge des beautés cachées de sa ville fétiche, Montréal. Les photos qu’il qualifie d’«environnements», captées facilement dans le format 1×1 suggéré par l’application, sont ses sujets de prédilections. «Un environnement c’est un axe horizontal et un axe vertical, par exemple un immeuble ou un parc, raconte le photographe. Le format carré permet de donner une proportion égale à chaque élément, de capturer un environnement dans un cube et c’est la meilleure manière de ne pas le déformer.»
À son avis, la photographie mobile comporte beaucoup d’enjeux. Il croit à la post-production, activité que plusieurs photographes condamnent. «Ça ajoute une vie à l’image, explique-t-il. C’est vraiment en jouant un peu avec les ombres et la lumière que ça donne une âme à la photo, comparée à la neutralité d’un appareil numérique.» Drowster a cependant des réserves concernant Photoshop, et dit n’utiliser que le logiciel Lightroom, pas plus que 3 minutes par image, pour ne pas qu’elle perde de son essence.
Drowster l’artiste espère que les projets continueront de pleuvoir et que les occasions ne cesseront de se présenter. L’étudiant en lui espère quant à lui survivre à sa mi-session, sain et sauf.
Photo : Alessandro Teodori
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