Même si la campagne électorale est terminée depuis deux jours, il reste un relent de puanteur dans l’air. C’est peut-être celle des eaux usées dans lesquelles se sont noyés tant d’enjeux importants, cruciaux, qui auraient pu, dû, être abordés durant ces deux mois. J’ai l’impression que c’est aussi l’odeur de l’islamophobie se répandant comme une nouvelle épidémie chez des milliers de Canadiens qui préfèrent se laisser guider par la peur plutôt que par la raison.
Je n’ai que 21 ans et tout ce cirque me lasse déjà. C’est peut-être parce que je n’ai jamais vu d’autre spectacle de toute ma vie adulte. Pas de grand leader, ni de vision d’ensemble, mais des enfilades de politiciens beiges, blancs, économistes, comptables, identiques. Des terroristes d’extrême-centre, des djihadistes qui se battent contre les infidèles qui réclament du changement.
Je suis lasse que les politiciens s’invectivent à grands coups de prénoms, de voir des hommes adultes s’envoyer des insultes de calibre pré-scolaire. Alors que des centaines de scientifiques dénoncent le bilan du gouvernement Harper et qu’un des proches conseillers de Justin Trudeau fait du lobbyisme, on recouvre les faits dérangeants d’un grand voile noir qui obstrue la vue de biens des électeurs. Ça me déprime et m’enrage de voir que l’on peut avoir plus de succès en basant sa campagne sur la désinformation et les mensonges que sur un véritable projet de société.
En tant que jeune femme, je m’inquiète que la ministre fédérale de la Condition féminine se prononce contre l’avortement. Je m’inquiète que des dizaines de candidats aient été officiellement endossés par un organisme pro-vie. Je m’inquiète de sentir le contrôle de mon corps m’échapper un peu plus chaque jour pour atterrir dans les mains de fanatiques religieux, non-voilés, mais tout aussi dangereux. Mais surtout, je m’inquiète que tous ces enjeux soient passés sous silence et disparaissent dans la brume comme autant de femmes autochtones.
Je pourrais profiter de ma tribune pour dire aux gens de mon âge d’aller voter. La vérité est que je les comprends de rester chez eux. Je ne parle pas des éternels désintéressés, mais bien des lucides qui appréhendent la pleine mesure du scrutin et connaissent parfaitement les plateformes respectives de ces partis qu’ils n’endossent pas. J’irai moi-même voter plus par principe que par conviction, en rêvant d’un jour où mon existence, et celle de toute ma génération, sera enfin prise en considération.
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