Présentée au Théâtre Prospero, la pièce Si les oiseaux d’Érin Shields a été créée pour bouleverser et le but est assurément atteint. Il s’agit avant tout d’un texte poétique, mais profondément troublant, et d’une mise en scène qui donne à chaque élément de ce drame le pouvoir de nous hanter.
Le viol. Un sujet qui dérange, que l’on n’a pas tenté de nous présenter avec des artifices qui auraient pu adoucir une telle horreur. On se sent blessé, frustré d’avoir été forcé à voir des choses que l’on ne veut pas voir, mais surtout que toutes ces femmes ne devraient pas avoir à vivre.
Si les oiseaux tourne exclusivement autour de cet acte cruel qu’est le viol et ses répercussions. Deux sœurs inséparables, qui se voient forcées de vivre l’une sans l’autre, lorsque l’aînée, Procnée (jouée par la talentueuse Catherine de Léan), est offerte en mariage à Térée (Pascal Contamine), roi de Thrace. Après quelques années, Procnée, qui a maintenant un fils avec le roi, demande à son époux d’aller chercher sa petite sœur, Philomèle (interprétée par Marie-Ève Milot, qui s’est imposée dans ce rôle qui semble si émotivement exténuant), restée à Athènes. Dès l’instant où celui-ci, arrivé dans la demeure du roi d’Athènes, pose les yeux sur sa belle-soeur, il s’éprend d’elle. Ainsi débute la série de tragédies qui se solderont par la souffrance et la mort.
Les péripéties des deux sœurs nous sont racontées par cinq femmes, devenues oiseaux, qui nous parlent aussi de leurs propres histoires de viol. Elles viennent chacune d’époques et d’endroits différents, elles ont été victimes d’agressions dans des contextes de guerre: le conflit sino-japonais, la prise de Berlin, la lutte d’indépendance au Bangladesh, la guerre de Bosnie-Herzégovine et le génocide du Rwanda. Elles sont maintenant des oiseaux qui errent, ravagés et mutilés, mais toutefois résilients.
Pas pour tout le monde
Même en sachant que le sujet de Si les oiseaux n’en est pas un qui pourrait inspirer une pièce comique, il est difficile de se préparer à être confronté à un thème si sombre. Ce genre d’œuvre n’est définitivement pas fait pour tous les types d’auditoires. Le jeu des comédiens rend crédible des scènes bouleversantes que l’on préfèrerait croire impossibles. Cette dure réalité est brillamment dépeinte et le confort du spectateur, dérangé. Certains passages donnent envie de fermer les yeux et en sortant du théâtre après la représentation, on en reste immanquablement troublé.
3.5/5
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