La course contre l’expulsion

Le temps presse pour les neuf étudiants menacés d’expulsion par l’administration de l’UQAM: ils doivent préparer une défense contre les accusations auxquelles ils font face. Lors de leur passage devant l’instance disciplinaire, ils pourraient cependant être confrontés à un comité exécutif où ne siège plus aucun représentant étudiant.

Convoqués à un comité disciplinaire le 20 mars, ils ont appris qu’ils risquaient la suspension, et pour certains, l’expulsion définitive. Les motifs de l’UQAM concernent des  actions commises il y a deux ans. Ces mesures s’inscrivent dans un contexte d’agitation politique, où le manque de transparence du rectorat et le caractère sélectif du processus font l’objet de vives critiques de la part des professeurs, des chargés de cours et des étudiants du campus.

«Purge» est le mot qu’a choisi le spécialiste des mouvements sociaux et chargé de cours à l’UQAM, Marc-André Cyr, pour décrire les convocations des étudiants devant un comité disciplinaire. Pour lui, les récentes décisions prises par l’administration sont «en lien avec la grève».

Deux des neuf étudiants menacés de sanctions, Samuel Cossette et Simon Larochelle, ont déjà comparu pour «méfaits», une infraction criminelle. Les actes allégués auraient été commis en janvier 2013. Samuel Cossette a laissé savoir au Montréal Campus que Simon Larochelle et lui ont pourtant reçu une absolution totale de la cour. Ils sont les deux seuls étudiants à avoir été à la fois visés par des accusations criminelles et en vertu des règlements de l’UQAM.

«Ces [neuf] étudiants sont ciblés parce qu’ils ont une influence dans le mouvement et qu’ils sont des organisateurs. On les a ciblés à un moment précis pour faire peur à tout le monde, estime Marc-André Cyr. C’est difficile de ne pas voir cela comme une commande politique venant du Parti libéral du Québec». Le chargé de cours croit que ces mesures prennent tout leur sens lorsqu’on regarde ce qui s’est déroulé dans l’actualité au cours des derniers mois. «C’est une hypothèse très crédible parce que ces purges sont précédées de peu par une campagne médiatique contre les militants de l’UQAM qui est assez féroce», explique l’historien des mouvements sociaux.

Un CA sans membre étudiant

Les deux membres étudiants sur le conseil d’administration de l’UQAM n’y siègent plus depuis que Justine Boulanger a été interpellée par le comité disciplinaire de l’UQAM. Le second membre étudiant, René Delvaux, dénonce «le jeu calculé» de la direction pour empêcher un membre étudiant de siéger sur le comité exécutif, chargé de juger les neuf accusés. L’employé permanent de l’ADEESE* dénonce notamment le refus du conseil d’administration de le laisser siéger au comité exécutif en tant que représentant étudiant, où il aurait remplacé Justine Boulanger.

Les membres du conseil d’administration, responsables de sélectionner les membres du comité exécutif, se sont rassemblés le 24 mars. C’est lors de cette rencontre qu’ils ont voté contre le remplacement de l’étudiante en médias numériques Justine Boulanger, visée par les menaces d’expulsions, par René Delvaux à son poste sur le comité exécutif. Malgré un appui du SPUQ* et du SCCUQ*, cette proposition a été refusée par la majorité des membres, ce qui laisse l’instance sans étudiant pour l’instant.

Si Justine Boulanger est condamnée à l’expulsion, elle ne pourra pas siéger sur le comité exécutif en tant que représentante des étudiants. D’après René Delvaux, c’est la première fois depuis la création de l’UQAM que le comité exécutif serait sans porte-parole étudiant. Selon lui, c’est un flou administratif qui permet au rectorat de justifier cette situation unique.

Selon Justine Boulanger, le récent report de sa comparution au 24 avril s’inscrit dans la même stratégie pour nuire à la défense des étudiants. «En permettant un report après la date prévue de fin de la session, l’université attend l’essoufflement de la vague d’opposition à ses décisions», a-t-elle précisé dans un communiqué. D’après elle, le rectorat mise donc sur la difficulté de mobiliser l’opposition après la fin du semestre.

La direction des communications de l’UQAM n’a pas souhaité commenter l’affaire, précisant que les dossiers étaient «confidentiels». En 2008, l’UQAM avait décidé de suspendre pendant 20 jours trois militants pour des raisons similaires.

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*ADEESE: Association des étudiants et des étudiantes de la faculté d’éducation

*SPUQ: Syndicat des professeurs de l’UQAM

*SCCUQ: Syndicat des chargés de cours de l’UQAM

Crédit photo: Alexis Boulianne

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