En un clic, des adolescents et jeunes adultes deviennent des célébrités instantanées. Loin du glamour du vedettariat traditionnel, ces vloggeurs doivent composer avec une réalité beaucoup plus brutale, où la méchanceté est parfois la norme.
En 2012, Noémie Dufresne avait 17 ans. Elle a commencé à mettre des photos d’elle sur le réseau social Facebook pour suivre la tendance et faire un peu comme tout le monde. D’inconnue, sa page privée a pris une dimension publique avec plus de 180 000 personnes impatientes de fixer leurs yeux sur ses publications. «C’était un choc. Je ne savais pas comment gérer ça. J’ai pensé fermer ma page. Finalement, j’ai fini par m’habituer», confie-t-elle. Noémie Dufresne est un exemple parmi tant d’autres nouvelles vedettes du web qui deviennent célèbres du jour au lendemain.
La plupart d’entre elles n’ont qu’à mettre en ligne des photos ou publier des vidéos d’opinion afin de gagner une certaine visibilité. Ce phénomène est relativement nouveau et évolue constamment. «Avant, les gens qui devenaient populaires étaient plutôt ceux qui mettaient des vidéos de chant sur YouTube, qui mettaient en valeur un talent artistique», remarque le gérant de Noémie Dufresne, Anthony. D’après lui, ce sont les vidéos de coups pendables qui ont lancé la tendance. «Les internautes ont beaucoup aimé et ça les a interpellés», explique-t-il. Les vloggeurs ont commencé à faire leur apparition et le web regorge désormais de personnalités suivies par des centaines de fans. Le journaliste spécialiste des médias sociaux Dominic Arpin croit qu’une frange de la société ne se reconnaît pas dans les médias de masse. «Je pense que ça répond à un besoin d’être diverti de façon différente et aussi de connecter avec des gens qui nous ressemblent plus», remarque-t-il. Selon lui, le talent des vloggeurs est de s’approprier cet auditoire. «La culture du web est marginale, mais elle possède ses codes, ses références, et ceux qui deviennent des stars sur le web sont ceux qui comprennent le mieux comment rejoindre ce public-là», résume Dominic Arpin.
Le journaliste croit qu’un tel succès n’est pas qu’un coup de chance. «Il faut au moins que tu aies le talent de bien gérer une communauté et de t’assurer que les gens vont aimer ta page, qu’ils vont partager tes vidéos, laisser des commentaires, remarque-t-il. Malgré ce que bien des gens peuvent en penser, il faut du talent.» De plus, la célébrité ne se conserve pas sans efforts. «On est à l’ère du consommé-jeté, ça prend tout le temps de la nouveauté. Pour réussir à durer là-dedans, il faut investir beaucoup de temps et avoir une certaine stratégie», note Dominic Arpin.
Afin de faire connaître quelqu’un, il suffit de créer un engouement assez fort pour que les gens en entendent parler. Souvent, cela frôle la controverse. Noémie Dufresne met parfois en ligne des photos jugées provocantes. Critiquée pour l’aspect révélateur de ses photographies, la jeune fille répond du tac au tac. «Les gens devraient se regarder dans un miroir avant de critiquer», affirme-t-elle. Son gérant pense qu’en général, la controverse est une stratégie d’affaires répandue. «Miley Cyrus, par exemple, a complètement changé son image. Cela a choqué beaucoup de gens, mais maintenant elle est plus connue que jamais», remarque Anthony. Selon lui, beaucoup de jeunes qui aspirent à être connus sur le web ont adopté la célèbre maxime de Marilyn Monroe. «Parlez de moi en bien, parlez de moi en mal, mais parlez de moi», résume Anthony. Selon Noémie, son buzz a été créé par la virulence des commentateurs sur sa page. «J’ai gagné plein d’abonnés d’un coup, alors les gens sont devenus jaloux. S’en est suivi une espèce de guerre entre ceux qui me défendaient et ceux qui me critiquaient et ça a fait parler de moi», explique-t-elle.
Écran protecteur
La méchanceté dont front preuve d’utilisateurs sur les réseaux sociaux est un des aspects inhérents de la célébrité Internet. La jeune fille a choisi d’ignorer les commentaires blessants, autant que possible. «Quand les gens publient quelque chose de méchant sur mon Facebook, on dirait qu’ils veulent essayer de prouver quelque chose, d’avoir de l’attention», souligne-t-elle. Dominic Arpin présume que ces internautes ressentent une grande frustration. «Je ne peux pas croire que quelqu’un qui passe sa journée à écrire des commentaires méchants est bien dans sa peau», pense-t-il.
Dominic Arpin estime également que ce phénomène permet une démocratisation de la parole. «Quiconque a un moindre talent ou quelque chose à dire peut le diffuser. C’est sûr qu’il y a des excès, mais en même temps il y a plein de gens qui ont réussi à devenir des personnalités fortes sur le web et sans Internet on ne les aurait jamais entendus», explique-t-il. Noémie préfère ignorer ses «haters» et continuer à nourrir sa célébrité. Facebook lui a donné des opportunités qu’elle n’aurait jamais crues possible. «J’ai deux magasins de vêtements qui ouvrent le mois prochain, j’organise mon premier gros événement et j’ai des blogues qui commencent à être connus», résume-t-elle. Pour Noémie Dufresne, cette aventure atypique aura été l’occasion de réaliser ses rêves.
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