L’été des déceptions

Tout le monde a vécu un été déprimant comme celui de Nicole, le personnage principal du nouveau film de Stéphane Lafleur. Comme le disait l’alter ego de Ricardo Trogi dans 1987, «savoir ce que l’on veut faire dans la vie à 17 ans, c’est presque impossible. Ça prend beaucoup plus de temps». À 22 ans, il est encore permis de vagabonder entre la paresse et l’indifférence. Accompagnée de son amie de tous les jours, Véronique Simard (Catherine Saint-Laurent), Nicole (Julianne Côté) se promène à petits pas maladroits, en tombant parfois par hasard sur le jeune Martin, qui est amoureux d’elle. Elle fréquente des gars sans savoir ce qu’elle recherche, et elle économise maladroitement un peu d’argent pour un voyage en Islande. Cette platitude sera ébranlée par les imprévus qui s’accumuleront, les uns après les autres, et qui la forceront ainsi à rivaliser avec la déception. C’est bien le cœur du nouveau film de Stéphane Lafleur, Tu Dors Nicole. Plusieurs évènements inciteront la jeune fille à sortir de son état d’hébétude, alors que gravite autour d’elle son frère guitariste (Marc-André Grondin) et les membres de son groupe de musique. Le cinéaste québécois a réalisé un beau film. Sa mise en scène se distingue par les éléments poétiques qui la parsèment sans jamais la dénaturer, par les éclairages très variés et par le cadrage fixe à la composition très calculée de ses plans. D’autant plus que les dialogues laissent beaucoup de place aux jeux de regard des acteurs. Tu dors Nicole, derrière ses allures de simplicité, cache un travail d’écriture très soigné. Sans jamais forcer les choses, le cinéaste réussit en 93 minutes à exposer une accumulation crédible et naturelle de situations honteuses qui inciteront la jeune fille à grandir. Stéphane Lafleur a décidément le mérite d’avoir harmonisé le naturalisme et la poésie. La mise en scène, malgré sa sobriété, accorde à chaque petit geste banal du quotidien une valeur poétique. L’art n’est pas irréel; il est le reflet de nos comportements. Tu Dors Nicole nous rappelle cette vérité.

 

Tu Dors Nicole, Stéphane Lafleur, Québec (Canada), 93 minutes, en salles depuis le 22 août.

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