Femme déterminée et militante humaniste, Hélène Bolduc a passé sa vie à travailler pour les autres. À la tête d’une organisation bénévole, elle se bat depuis plusieurs années pour redonner le pouvoir aux malades en fin de vie.
Adepte du calme et de la tranquillité, Hélène Bolduc insiste pour trouver l’endroit le moins bruyant du café Hubert-Aquin pour se confier. Pour légiférer sur les soins de fin de vie, elle a choisi de travailler à l’arrière- scène plutôt que d’endurer la cacophonie de l’Assemblée nationale. L’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD) a été fondée en 2007 dans cette optique. Tout comme dans ses combats pour la légalisation de l’avortement et même des drogues, la présidente veut réduire à tout prix les dérapages et les inégalités sociales avec le pouvoir législatif.
Forte d’un bagage de vingt ans d’action communautaire, Hélène Bolduc a d’abord été formée en soins infirmiers, mais n’a jamais exercé le métier. Malgré tout, certaines expériences continuent de l’accompagner aujourd’hui. «Dans mes stages, j’étais présente auprès des malades et on me donnait des cas lourds que les médecins ne venaient plus voir, se rappelle- t-elle. J’ai appris à voir la mort et toute la souffrance qu’elle peut engendrer, ça m’a profondément marquée.» Aînée de sa famille, elle a été habituée dès son plus jeune âge à défendre les plus vulnérables. «C’est dans mon ADN de me battre pour que les moins chanceux n’acceptent pas d’être dominés», explique-t-elle avec un sourire bienveillant. Le quartier montréalais de St-Henri- Petite-Bourgogne a été son principal terrain de jeu. La mise sur pied d’un centre d’aide en santé mentale en 1988 et son travail au centre de femmes du quartier sont les réalisations dont elle est le plus fière.
Le dépôt d’un projet de loi fédéral sur l’aide médicale à mourir en 2005 par la députée bloquiste Francine Lalonde a attiré l’attention d’Hélène Bolduc, bien qu’il n’ait jamais abouti. Le projet a ensuite été repris au provincial avec la création d’une commission spéciale sur la question en décembre 2009. «Lorsque les gens sont hospitalisés en fin de vie et vulnérables, ils ont de la difficulté à exprimer leurs besoins», fait-elle valoir, d’un ton compatissant.
Fortement interpellée, la travailleuse communautaire s’est d’abord donné une année de réflexion pour s’informer avant de créer l’AQDMD, en 2007. Entièrement bénévole, l’organisation se débrouille sans membres permanents, mais compte sur une équipe de volontaires dévoués. «On apporte la vision citoyenne sans être influencés par la partisannerie ou la religion», affirmet- elle. Par son regard perçant, la militante sociale convainc sans difficulté tous ceux qui sont prêts à l’écouter. «C’est une chef d’orchestre avec une polyvalence extraordinaire et une capacité d’écoute exceptionnelle», affirme l’adjointe administrative de l’AQDMD, Danielle Hudon.
Consciente de la présence légitime d’adversaires, la présidente est néanmoins attristée devant leur manque de compréhension. Certains lobbys religieux n’hésitent pas à qualifier le projet de l’AQDMD de meurtrier. «Leur problème, c’est leur vision romantico-religieuse, explique-t-elle. C’est vrai qu’à la fin, il y a parfois des belles histoires et des réconciliations, mais j’ai souvent vu le contraire aussi.» Elle refuse toutefois de cracher sur la religion et comprend son utilité, surtout dans ce contexte. «Le nombre de croyants augmente proche de la mort, car ils cherchent des réponses extérieures et un sens à leur vie», croit-elle. Hélène Bolduc n’hésite pas à qualifier les groupes opposants «d’extrémistes» et non-représentatifs de l’ensemble des croyants. «On peut être très spirituel et approuver notre projet, assuret- elle. J’ai fait beaucoup de rencontres dans des foyers pour personnes âgées et je peux garantir que chaque personne à qui on expose clairement l’initiative l’approuve.»
Le retard dans l’adoption du projet de loi sur l’aide médicale à mourir en raison des élections provinciales a chagriné l’ancienne travailleuse communautaire. «Ça a été une grosse surprise et chacun se renvoie la balle pour porter le blâme», déplore-t-elle. Elle est convaincue que le projet fait déjà consensus au Québec. «Il y a des dossiers beaucoup plus chaud en ce moment, ce n’est pas un grand risque politique que de l’appuyer», estime la présidente de l’AQDMD. Selon elle, la distinction
gauche-droite n’entre même pas en ligne de compte. La Coalition avenir Québec a été le premier parti à mettre le dossier dans son programme et quatre députés conservateurs québécois l’ont appuyé dans les dernières années. «Le Montana, un état républicain et conservateur, a légiféré là-dessus pour assurer le respect des libertés individuelles», donne-t-elle en exemple.
Assurant avoir encore plein d’énergie à consacrer à la cause, la présidente de l’AQDMD fait l’unanimité dans son organisation. «Cette femme a mis tout son coeur et son énergie sur la table dans les dernières années, soutient Danielle Hudon. Un tel dynamisme, c’est incroyable et inspirant pour les autres membres.» La longue odyssée de la militante humaniste ne prendra pas nécessairement fin avec l’adoption d’un projet de loi. «C’est la fin d’une merveilleuse étape de ma vie, mais certaines souffrances inutiles ne sont pas incluses dans le projet de loi et il faut s’interroger en société jusqu’à quel point on peut se faire confiance», explique-t-elle. La présence d’Hélène Bolduc dans le débat semble donc assurée pour les prochaines années. Gare à celui qui voudra la déclarer caduque.
Photo : Camille Carpentier
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