Démasquer les préjugés

Après maintes refontes, l’École supérieure de théâtre de l’UQAM a réussi à se forger une place au sein des prestigieuses institutions qui forment les acteurs de demain. 

Le programme de jeu de l’UQAM a longtemps été victime de railleries de la part du milieu artistique: laisser-aller dans la formation, encadrement moins rigoureux et sentiment que les étudiants de dernière année n’avaient pas acquis les compétences ni le sérieux pour faire le saut dans le monde professionnel. Or, les nombreuses réformes de l’École supérieure de théâtre ont complètement transformé le visage du programme d’interprétation. Même si certains préjugés persistent, les acteurs qui quittent les bancs de l’UQAM brillent sur toutes les scènes.

Depuis plusieurs semaines, les finissants en interprétation préparent ce qu’ils présenteront aux auditions générales du Quat’sous, véritable tremplin vers le milieu professionnel pour les jeunes comédiens. La finissante en jeu Caroline Courtois Schirmer présentera ses scènes devant la junte artistique dans les prochaines semaines. Elle dit se sentir aussi prête à affronter les incertitudes du métier d’acteur et à embrasser les rôles de composition que n’importe quel finissant en jeu au Québec. «Toutes les formations se valent», indique sans hésiter la jeune actrice. Les finissants de l’UQAM n’ont pas toujours eu cette considération une fois leur diplôme en main. L’actrice Anne Casabonne, de la promotion de 1992, garde un souvenir cuisant de ses auditions au Quat’sous. «Il y avait trois préauditions à mon époque vu que nous étions une grosse cohorte, se remémore celle qui interprétait l’explosive Claude dans la série La Galère. Quand on se qualifiait finalement pour le Quat’sous et que c’était au tour des finissants de l’UQAM de se produire, la salle se vidait complètement.» Ces auditions sont un moment décisif dans la carrière des acteurs. Les finissants des six écoles de théâtre du Québec présentent des scènes devant des agents ou des directeurs de casting, ainsi que des metteurs en scène et des producteurs. Même après les auditions, Anne Casabonne a eu du mal à se faire ouvrir d’autres portes sur le monde artistique. «Je me rappelle quand j’ai voulu me trouver un petit contrat. J’ai appelé une directrice de plateau de doublage. Je lui ai dit où j’avais fait ma formation, la directrice a changé de ton et m’a lancé avant de raccrocher qu’elle ne prenait personne qui avait fait l’UQAM, s’indigne Anne Casabonne. Le regard que l’on portait sur l’École était effrayant.»

Si Caroline Courtois Schirmer assure qu’aujourd’hui, les idées préconçues concernant la formation offerte à l’UQAM appartiennent plutôt à l’histoire ancienne, elle sait pourquoi elles sont nées. «Il n’y avait pas d’auditions pour entrer en jeu à l’UQAM et tous ceux qui voulaient faire du théâtre étaient admissibles, explique la finissante. C’était de grosses cohortes et le programme n’était pas reconnu.» Contrairement aux autres écoles de théâtre, la formation uqamienne est offerte dans un cadre universitaire. La directrice des programmes de premier cycle à l’École supérieure de théâtre, Carole Marceau, n’observe pas non plus de discrimination entre les écoles. «Ailleurs, le nombre d’étudiants admis se situe autour de 12 personnes. À l’UQAM, on en accepte 20 pour la simple et bonne raison qu’il ne serait pas rentable pour l’Université d’ouvrir un programme pour uniquement dix étudiants», indique-t-elle. C’est pour appliquer le règlement 5 concernant les études de premier cycle de l’UQAM que l’École supérieure de théâtre n’a pas le droit d’élaguer certains étudiants du programme.

Pour Caroline Courtois Schirmer, le programme de théâtre est ce qu’il est aujourd’hui grâce au travail de la professeure Martine Beaulne. Depuis 10 ans, la femme de théâtre veut redonner ses lettres de noblesse au milieu théâtral uqamien. «On a trouvé la bonne progression d’enseignement par essais et erreurs depuis 1994, mais ça a pris du temps», admet la professeure. Elle est consciente des préjugés à l’égard de l’École, mais prétend que ces derniers tendent à tomber. «Ceux qui persistent à avoir une mauvaise image de l’UQAM sont tout simplement jaloux. L’Université fait maintenant bonne figure, notamment aux auditions générales du Quat’sous et tout le monde demande quand passent nos étudiants», poursuit Martine Beaulne qui n’éprouve aucune gêne à dire qu’elle enseigne à l’Université.

Afin d’éviter que des situations comme celle qu’Anne Casabonne a vécu se reproduisent, le Quat’sous a changé la façon de présenter les étudiants en mélangeant toutes les cohortes plutôt que de les forcer à se produire en bloc d’écoles. La comédienne n’est pas dupe et considère que malgré ces bonnes intentions, le préjugé persiste. «Même si les étudiants sont dispersés et que les finissants de l’UQAM sont plus vus que dans mon temps, ça reste un moyen manipulateur de faire croire que les préjugés sont tombés», ajoute l’actrice. Elle continue à penser que les producteurs regardent un étudiant sur la scène du Quat’sous non pas par intérêt, mais parce qu’ils y sont obligés. «Dans le fond, croit Anne Casabonne, les cours de théâtre ne servent à rien.»

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