Eh baptême!

J’ai toujours eu des réticences envers ces artistes qui balancent leur opinion à qui mieux mieux. Roy Dupuis qui défend les rivières, c’est une chose. Dieudonné qui lâche des propos antisémites comme on partage une recette de muffins, c’en est une autre.

Ce n’est pas tant Dieudonné faisant le cave qui me dérange. On est presque rendus habitués à ses piques gratuites sur la Shoah et la religion. Ce qui me met en rogne, c’est les montées aux barricades des deux côtés de l’Atlantique. Venant des artistes comme des autorités.

Un humoriste, chanteur ou acteur ne jouit pas d’une immunité politique propre aux élus du Parlement. Contrairement aux politiciens, ils peuvent être traduits en justice pour des propos calomnieux ou offensants. En France, on peut même être arrêté si on fait la promotion de substances illégales. Eh oui, la prison, les amendes, et tout le tralala pour des paroles, comme disait Dalida.

Même si le célèbre Français se retrouve aujourd’hui sous les feux des projecteurs, il n’est pas le premier à modifier ses spectacles pour calmer le jeu. Le groupe breton Matmatah en a aussi payé les frais lorsqu’il s’est vu refuser de chanter son succès, L’apologie, en 1995. La chanson faisait justement l’éloge…de la marijuana, interdite par l’État français. «Ce serait pourtant si simple de le légaliser. Deux petits joints par jour c’est anti-dépresseur», chantaient-ils sur des airs traditionnels. À l’époque, le groupe a payé 15 000 francs d’amende, soit plus de 3000 $ canadiens pour ces vers, qui honnêtement traduisent l’opinion de bien du monde. Pas étonnant de voir la police débarquer au spectacle de Dieudonné, pour de véritables calomnies, cette fois.

Les artistes oublient parfois qu’ils peuvent compter sur une solide base de fans. Ces admirateurs les écoutent et les appuient, peu importe leurs propos. Ce sont les vrais prophètes du 21e siècle. La liberté d’expression, c’est un droit fondamental, j’en conviens. Mais on oublie qu’une parole prononcée sur scène n’est pas une fatwa. Si un quidam tenait dans la rue les mêmes inepties que Dieudonné exprime sur les planches, il serait bien vite vilipendé par ses pairs. Mais avec un entracte, un tabouret et un verre d’eau, tout semble permis.

Voilà que la vague de contestation a traversé l’océan. Même les humoristes d’ici se sont prononcés sur la question. Gros titre dans La Presse: Michel Barrette est consterné. Quelle nouvelle information ont apporté les artistes de la Belle Province? Nada. Aucune miette de nouvelle qui aurait pu faire avancer le débat. Seulement l’avis d’une poignée d’humoristes qui partagent leurs pensées sur la liberté d’expression. Merci, mais non merci. Bien plus qu’une aide, c’est surtout une publicité gratuite qu’ils sont venus quémander.

Être célèbre, c’est sacré. C’est mérité, même. Pourquoi une célébrité aurait-elle plus le droit d’émettre son opinion que monsieur et madame Tout-le-monde ? Ce n’est pas parce qu’on a une tribune qu’on devient automatiquement intelligent, on l’a constaté en commission parlementaire sur la charte…

Roy Dupuis a parfaitement le droit de défendre ses rivières. André Sauvé s’allie à Oxfam pour la cause, tant mieux. Grand bien leur en fasse. S’ils commencent à me dicter le bien et le mal, ce qu’on a le droit de dire ou pas, je déchante. Je préfère réécouter les rediffusions de La petite vie. Ti-mé qui vante ses vidanges, c’est neutre partout.

Marion Bérubé
Chef de pupitre Culture
culture.campus@uqam.ca

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