B+, c’est dans la poche

Les étudiants des programmes contingentés vivent sans trop d’inquiétude. Une fois arrivés sur un banc d’école de la Faculté de communication de l’UQAM, ils peuvent s’attendre à obtenir leur diplôme les doigts dans le nez. 

Dans les locaux de groupes étudiants associés à la Faculté de communication, tous acquiescent lorsqu’on parle de la difficulté à couler un cours. «À chaque session, je bats mon record d’absentéisme et je peux avoir A», s’exclame Daphnée Côté-Hallé, étudiante au baccalauréat en stratégies de production culturelle et médiatique. Pour Geneviève Sdicu, étudiante en relations publiques, facile de se débrouiller à certains examens même en ayant seulement étudié la veille. Les rumeurs qui courent à l’égard de l’indulgence des professeurs font bondir le doyen de la Faculté, Pierre Mongeau. Des chargés de cours confirment leur inconfort face à l’ambiance douillette dans laquelle les étudiants évoluent.

«Ça vient de partout à la fois. On n’a toujours pas attrapé la bête, cette rumeur insinuant que les cours sont faciles», plaisante le directeur de l’École des médias, Martin L’Abbé. Le professeur et directeur peut témoigner de la difficulté d’évaluer en toute objectivité des travaux de production. «On peut être généreux, oui, admet-il. Parce qu’on connaît nos étudiants et on tient compte des efforts qu’ils mettent.» Daphné Côté-Hallé ajoute que son apprentissage concret se fait surtout dans des activités parascolaires.

Les programmes contingentés ne comptent pas d’étudiants démotivés, constate le directeur du Département de communication sociale et publique, Gaby Hsab. «Dans l’imaginaire des gens, on a l’impression que l’Université de Montréal (UdeM) est plus élitiste ou plus sérieuse, mais c’est faux.» Le directeur croit en la rigueur de l’UQAM et affirme que la différence tient plutôt de l’esprit d’ouverture des professeurs de l’Université. «Pour avoir travaillé et étudié à l’UdeM, je pense qu’ici nous avons une plus grande proximité avec les étudiants, mais aussi avec le milieu extérieur», explique-t-il. Aux yeux de Daphné, les cours qu’elle a suivi à l’UdeM sont beaucoup plus théoriques que ceux à l’UQAM. «C’est plus facile pour moi ici, parce qu’on apprend de manière pratique», constate-t-elle.

Modeler les résultats

«L’École des médias, c’est difficile d’y entrer, mais ce n’est pas difficile d’avoir des bonnes notes», laisse tomber le chargé de cours Daniel Courville. Depuis 25 ans, il n’a vu qu’un seul étudiant échouer un cours parce qu’il était «poche». Les autres ont échoué par défaut, n’ayant ni participé, ni remis leurs travaux. Le chargé de cours assure toutefois qu’il ne laisse pas des étudiants qui ne font pas d’effort obtenir la note de passage. À ses yeux, les moyennes de ses groupes sont généralement élevées.

Il est normal que les groupes soient aussi forts, estime Pierre Mongeau. C’est d’ailleurs à la demande des professeurs qu’une courbe de notation a été dessinée en 2005. Cet outil spécifique à tous les départements suggère le pourcentage d’étudiants qui devraient se retrouver dans chaque tranche de résultats. Par exemple, à l’École des médias, 20% devraient se situer dans le B+. «Lorsque tous les étudiants remettent des travaux très satisfaisants, il est difficile de les différencier entre eux, explique le doyen. Avec la courbe de notation, on a voulu aplatir la répartition des notes.» En 2010, Gaby Hsab avait remarqué le très faible nombre d’étudiants qui réussissaient à obtenir A+ à cause du barème d’évaluation où cette mention représentait une note de 97% et plus. Les équivalences entre les lettres et les pourcentages avaient alors été modifiées et la valeur du A+ diminuée à 95%. «Nous avions un système de notation plus sévère que dans les autres facultés», se rappelle le doyen.

Le barème d’évaluation ne permet donc pas aux enseignants d’être plus indulgents que dans les autres facultés, fait valoir Pierre Mongeau. Muni de statistiques, le doyen affirme que la Faculté de communication est assez exigeante, puisqu’en 2011, seulement 4,4% des étudiants ont obtenu A+ comme note finale à un cours. C’est à peine plus que le nombre de personnes ayant obtenu un échec, soit 4% des étudiants. «Il faudrait comptabiliser les données par programme pour se rendre compte que les échecs surviennent surtout dans les programmes non-contingentés», nuance-t-il.

Si toute sa classe a du talent, Daniel Courville doit faire en sorte que sa moyenne s’approche de B+, comme le suggère l’École des médias. Le chargé de cours affirme ressentir une pression quant à la courbe de notation, qui conseille une répartition vraisemblable des notes à donner aux étudiants. Choqué, le chargé de cours Alain Gerbier refuse catégoriquement de suivre la courbe de notation. «Pour moi, ça ne veut strictement rien dire. Tu peux avoir 10 personnes exceptionnelles dans un groupe comme tu peux avoir 30 personnes dont les travaux valent B, déplore-t-il. C’est un truc de vendeur.» Il dénonce le mode d’évaluation des enseignements par les étudiants, qui selon lui pousse certains à être plus indulgents lors de la correction, puisque leur évaluation pourrait être négative dans le cas contraire.

Le barème d’évaluation n’est qu’un outil indicatif pour les enseignants. La courbe fictive a été tracée selon la courbe réelle que prenaient les notes de tous les étudiants, assure le directeur de l’École des médias, Martin L’Abbé. Il admet qu’un courriel peut être envoyé pour questionner un enseignant dont la moyenne est trop élevée. «Ce n’est pas normal que tous les étudiants aient des A, explique-t-il. C’est impossible. En cas de doute, on prend contact avec l’enseignant.»

Si l’esprit uqamien se veut plus ouvert, la Faculté de communication ne peut confirmer les ouï-dire quant à la facilité des travaux à accomplir. Entre pression sociale pour Alain Gerbier et véritable talent des étudiants selon Daniel Courville, le doyen croit en la réputation de sa faculté. «La Faculté de communication attire déjà les meilleurs étudiants habitués d’être premiers de classe. Mais ça ne pourra jamais être un lieu de vacances.»

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