Donner au suivant

Leurs mécènes vieillissant, les cercles de philanthropes doivent faire peau neuve pour attirer la nouvelle génération. Guidées par de jeunes bénévoles passionnés des arts, les initiatives rejoignent, un cocktail à la fois, un nouveau bassin d’apprentis donateurs.

Cocktails, 5 à 7, partys, rien n’est trop grandiose pour attirer les jeunes philanthropes. Les organismes culturels, confrontés à des donateurs vieillissants , font des pieds et des mains pour extraire les billets du portefeuille de la génération Y. Mus par leur amour de l’art, ces jeunes donateurs se font de plus en plus nombreux et financent le domaine artistique à grands coups de générosité.

Les barres et les miroirs des salles de danse ont marqué l’adolescence de Jessica Drolet. Durant son parcours au secondaire, la jeune femme a donné libre cours à sa passion, le ballet classique. Si elle n’a pu poursuivre dans le domaine aux côtés des Grands Ballets Canadiens, Jessica Drolet a trouvé d’autres alternatives pour collaborer avec l’institution. Il y a deux ans, cette ancienne danseuse a lancé le groupe des Jeunes gouverneurs des Grands Ballets Canadiens (JGGBC). Ce rassemblement s’est donné comme mission d’instruire une centaine de donateurs, tout frais sortis de l’université, sur les subtilités du ballet. «C’est une belle opportunité pour moi, et tous les membres du comité, de croître tant au niveau personnel que professionnel», se réjouit Jessica Drolet.

D’après une étude de Statistiques Canada, l’âge du donateur moyen est de 53 ans. Ce vieillissement du mécénat force les organismes culturels à changer de cap dans leur approche avec les jeunes. Autour de 96% des œuvres du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) auraient été acquises grâce à des donateurs, estime un membre du Cercle des jeunes philanthropes du MBAM, Charles Assaf. Afin que le pourcentage reste élevé, les donateurs doivent se renouveler et pour ce faire, quoi de mieux que d’aller piger dans les poches de la nouvelle génération. «Nous avons dû éduquer les jeunes au mécénat, se sou- vient le président des Jeunes philanthropes de Québec (JPQ), Bernard Gagné. Ils ignoraient ce qu’était la philanthropie. Plusieurs pensaient que c’était des groupes de collectionneurs.» Financer l’art grâce aux dons était une pratique plus courante chez les générations antérieures, croit la coordonnatrice des campagnes de financement du MBAM, Christine Blais.

Pour encourager les jeunes à investir dans la culture, le gouvernement québécois a instauré un crédit d’impôt de 25 % sur un premier don de 5 000 à 25 000 dollars. Cet allègement fiscal fait suite aux demandes du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle qui décriait l’absence des donateurs de moins de 35 ans. «C’est sûr que cette nouvelle mesure va aider le développement d’une culture philanthropique chez la jeunesse d’aujourd’hui, croit Bernard Gagné. C’est un pas en avant, mais on cherche toujours à avoir plus de donateurs.» Les regroupements de jeunes philanthropes ont dû redoubler d’ardeur pour susciter des dons de cette tranche d’âge souvent aux prises avec d’autres priorités financières. À coup de 50, 100 et 150 dollars pour des cocktails de financement uniques, les jeunes philanthropes parviennent à amasser quelques milliers de dollars par soirée. Rythmées aux aléas du gumboots, d’un DJ ou de présentations gastronomiques, ces festivités attirent des centaines de professionnels.

Dynamiser la pratique

Depuis quelques années, les jeunes philanthropes tentent de remettre la bienfaisance au goût du jour. «Nous faisons en sorte que les nouveaux philanthropes tissent des liens avec les Grands Ballets d’abord par des activités qui les rejoignent», indique Jessica Drolet. Avant la représentation, un cocktail de réseautage est organisé. Cette activité permet non seulement de rencontrer d’autres philanthropes, mais aussi d’échanger sur l’art. Le Web est le fer de lance de ces activités. «Nous utilisons les médias sociaux à fond pour promouvoir ces activités de financement chez les jeunes», mentionne la jeune femme de 25 ans.

Pour attirer les nouveaux donateurs, le Cercle des jeunes philanthropes du Musée des beaux-arts de Montréal propose des conférences causeries. Les dévernissages sont aussi des activités extrêmement populaires, où des professionnels présentent les œuvres d’une exposition terminée aux jeunes gens rassemblés. «On parle ici d’edu-tainment, une méthode alliant l’éducation à l’art et au divertissement», précise Christine Blais. Pour le dernier dévernissage de l’exposition Chihuly du MBAM, deux artistes cuisiniers ont préparé une œuvre d’art comestible sous les yeux des invités qui ont pu s’en servir. Dans la même lignée d’edu-tainement, les Jeunes gouverneurs des Grands Ballets offrent des cours de danse aux donateurs pour les aider à mieux com- prendre la complexité de l’exer- cice et à apprécier davantage le spectacle. «Nous offrons une grande variété d’activités pour aller joindre le plus de mécènes possibles et les fidéliser à notre cercle», affirme Jessica Drolet. Si les activités manquent toujours de visibilité, les cercles de jeunes philanthropes remarquent une popularité grandissante de leurs évènements, pense Christine Blais. Pas à pas, la génération Y devient indispensable au domaine culturel. Un billet vert à la fois.

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