Des pintes et des jeux

Sans compromis, Keith Kouna compose de la musique avec une verve bien à lui. Celui qui en a surpris plus d’un avec ses trois nominations au gala de l’ADISQ fait figure d’ovni dans la chanson québécoise. Portrait d’un workaholic.

La rencontre avec Sylvain Côté, alias Keith Kouna, a lieu quelques heures avant son spectacle au La Tulipe. Le temps d’essuyer ses lunettes pleines de buée, le chanteur à la chevelure punk était assis à une table du Verre bouteille, une pinte de Carlsberg à la main. Business as usual.

À 39 ans, Keith Kouna s’investit depuis maintenant 12 ans dans la musique. L’ex-travailleur de rue et ancien membre du groupe Les Goules a vu récemment son travail récompensé. Son album Du plaisir et des bombes a été nominé comme album de l’année, en plus d’avoir été en lice dans la catégorie auteur-compositeur-interprète et révélation de l’année, au dernier gala de l’ADISQ. «J’ai su assez tôt que je ne pourrais pas faire autre chose que de la musique dans la vie, lance d’emblée le chanteur. Je trippais aussi sur Henry Miller et le concept de liberté quand j’ai décidé ça», ajoute-t-il en rigolant.

Une technique d’intervention en délinquance en poche et un an en musique au cégep de Joliette sur son CV, le jeune homme part en Europe, billet ouvert en main. Le périple s’étendra sur deux ans. «Je gagnais ma vie en jouant de la musique dans les rues, les bars et les tramways. J’étais parti avec ma guit et 100 $», raconte le chanteur. Lorsqu’il revient, fauché, il n’a pas d’autre option que de trouver un boulot. Il devient donc travailleur de rue pour quelque temps. «Je pensais que je pourrais vivre en chantant dans le métro, mais c’était crissement plus tough que prévu», explique celui qui devait se lever vers cinq heures du matin pour réserver sa place dans un coin du métro. En découvrant Bérurier Noir et les premiers albums de Jean Leloup, Keith Kouna, qui jusqu’alors chantait dans la langue de Shakespeare, se met à écrire en français.

Le récent succès de l’artiste n’est pas apparu en claquant des doigts. «Il travaille comme un fou. Des fois, il arrive au local le matin et il a écrit dix pages de textes dans la nuit», explique Martin Bélanger, alias Martien, guitariste de Keith Kouna assis à la table voisine. Le principal intéressé ne se considère pas comme un bourreau de travail quant à son processus créatif. «Je travaille beaucoup sous contrainte et sous pression. Je marche souvent avec l’impro et l’écriture automatique, mais je mise plus sur l’esthétique avant de trouver un sens aux chansons», indique celui qui s’est donné un nouveau défi. Il lancera dans trois semaines un audacieux projet mettant en vedette ses textes adaptés aux mélodies du compositeur classique Schubert. Ceux qui espéraient un album semblable à Du plaisir et des bombes seront déçus. Le chanteur est sans équivoque là-des- sus. «Le confort n’est pas sain pour moi. Il faut constamment que je sorte de ma zone.» Martien Bélanger ajoute que si le chanteur ne sait pas toujours ce qu’il veut musicalement, il sait avant tout ce qui ne lui plaît pas. «J’aime m’attaquer à des choses difficiles. L’écriture m’intéresse, j’écrirai peut-être un livre un jour», déclare l’ex-Goule, pensif.

Mis à part la musique, Keith Kouna a lui aussi des plaisirs cou- pables. «J’aime bien la grosse pop comme du Lady Gaga et le café cheap», confesse le chanteur, cigarette à la main, avant de se diriger vers La Tulipe pour donner l’un de ses derniers spectacles au Québec. L’artiste s’envolera pour sept mois en France d’ici trois semaines. La routine, très peu pour lui.

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