Dernier tour de piste pour Lac Estion

Le groupe Lac Estion a fait ses adieux jeudi en assurant la première partie de la soirée devant le groupe Panache à l’occasion du festival Coup de coeur francophone. Le Montréal Campus s’est entretenu avec Pierre Alexandre, membre fondateur, pour faire le point sur ce moment de transition dans sa carrière musicale. Toujours en quête d’une nouvelle identité, son nouveau groupe sans nom pour l’instant réunira Olivier Bernatchez (Le Hâvre), Daniel St-Gelais (Le Husky) et l’auteur-compositeur Jean-François Fortier.

Montréal Campus: Vous avez annoncé la mort de Lac Estion pour l’automne 2013 avec la sortie de votre dernier EP Sans lendemains. Est-ce que c’est vraiment votre dernier spectacle ce soir?

Pierre Alexandre: Officiellement c’est notre dernier spectacle. C’est pas mal sûr que c’est le dernier parce que la formation qui va jouer ce soir n’est même pas l’originale. Nous sommes déjà un autre band. Les musiciens qui jouent jeudi n’ont jamais été dans Lac Estion, mis à part pour les deux derniers spectacles d’adieux. C’est un peu bizarre, ils ont appris les chansons de Lac Estion pour l’occasion.

MC: Ces nouveaux musiciens feront-ils partie de ton nouveau projet?

PA: Oui, c’est ça le but. C’est comme si ce soir c’était la genèse d’un nouveau projet. Il n’a pas encore de nom, mais on a des petites idées. On s’oriente vers quelque chose d’un peu plus posé. Quelque chose de spirituel, un peu plus calme et introspectif sans que ce soit mélancolique. On veut aborder de thèmes plus philosophiques présents dans le EP Et maintenant? qui est plus expérimental. Le défi avec ça c’est qu’il n’y a pas de chansons qui parlent d’amour. Parfois, il y a de petites illusions. Lac Estion c’est parti de ça, mais maintenant c’est rendu ailleurs, c’est un peu pourquoi que c’est fini.

MC: Qu’as-tu appris du métier avec Lac Estion?

PA: Les débuts de Lac Estion représentent mon début en écriture. Ma plus grosse évolution ça été en tant qu’auteur-compositeur. J’ai appris comment travailler mes chansons et à savoir ce qui m’intéresse le plus. Quand tu fais un ou deux premiers albums, tu découvres plein de tics ou de trucs qu’il faut que tu évacues. Souvent c’est thérapeutique ou trop personnel. C’est ce qui est revenu dans les critiques de Lac Estion. Ça sonnait trop comme un déversement d’émotions mal contrôlé. De ce côté-là, j’ai évolué. Sinon, j’ai appris la dynamique de band. J’ai un tempérament de leader et j’ai tendance à prendre les rênes quand personne d’autre ne les prend. Je suis pressé un peu. Dès le début de Lac Estion, j’ai fait quatre chansons et j’ai fait un album. Après ça, j’aurais aimé que ça devienne plus une dynamique de groupe, mais avec le temps ç’a été dur de changer le cap. J’aurais aimé ça que ce soit plus collectif comme travail. Autant, du côté du booking, de la promotion et la majeure partie de la composition, c’est moi qui m’en occupais. Je n’avais pas ce sentiment-là de faire partie d’un band. Tu fais la promotion de quelque chose comme un groupe puis finalement tu es le seul à ramer derrière. Ce n’est pas une question de reconnaissance. C’est un peu flou.

MC: Est-ce que c’est ce manque d’unité qui vous a empêché de percer davantage ?

PA: Une des choses qui a changé c’est la manière dont je perçois l’industrie. Les premiers albums de Lac Estion ont été lancés comme s’ils étaient sous l’étiquette Poulet Neige. Jusqu’au EP XXIe siècle, Poulet Neige n’existait pas vraiment. Je me suis mis à aider d’autres bands après avoir fait des erreurs avec Lac Estion. On a fait des choses de façon tellement insensée. Avec le recul, il y a des choses qu’on aurait pu faire autrement pour aboutir à de meilleures opportunités et à la limite, à un contrat de disque. Deux années après avoir commencé à exister on avait fait trois albums. On aurait très bien pu faire plein de spectacles puis faire seulement un album mieux travaillé et ça aurait été bien différent.

MC: Sur votre page Bandcamp, on peut lire à propos de votre EP Et maintenant?: «[un album de chansons], folk, parfois plutôt expérimental, qui vaudra sans doute à Lac Estion d’autres comparaisons boiteuses avec Harmonium et peut-être même Karkwa si les critiques s’emballent. Que pensez-vous de la critique envers la relève?

PA: Écoute, c’est sûr que la critique, c’est difficile. Il n’y a pas beaucoup de critiques cinglantes, puis en même temps c’est bien parce que le milieu est assez petit. Je trouve amusant qu’on puisse relancer la critique. J’ai toujours eu tendance à aller trouver une petite faille et j’allais lui remettre dans la face. Je me suis amusé un peu avec Olivier Lalande puis Péloquin. C’est comme tous les journalistes qui écrivent. C’est super pertinent ce qu’ils font. Moi, je trouve ça juste le plaisant de m’amuser un peu avec eux parce que ce n’est pas la fin du monde avoir une critique dans le Nightlife ou le Voir. Trop souvent, les artistes perdent de leur personnalité à force de vouloir plaire aux critiques. À quelque part, la façon de plaire aux critiques c’est de faire de la bonne musique. Faut que tu cherches à les désarçonner. Le clin d’oeil à Harmonium et à Karkwa c’est parce qu’il y a eu plein de comparaisons à eux. Un moment donné j’avais l’impression qu’aussitôt que tu sortais un album de musique francophone on le comparait à Karkwa. D’après moi c’est un manque de références québécoises et non pas un manque de culture musicale. J’ai beaucoup de respect pour la critique.

MC: Que va-t-il te manquer de Lac Estion que tu ne retrouves pas ailleurs?

PA: Je ne sais pas si c’est tant Lac Estion que l’insouciance. Lac Estion ça été beaucoup de spectacles intéressants. On s’était fait une tournée avec un trajet en forme de cœur, littéralement. On a fait une couple de niaiseries. L’enregistrement des albums a été fait dans un contexte un peu trash. On était jeunes. J’avais l’impression qu’on avait tendance à vouloir des choses moins confortables. J’avais toujours le réflexe de me jeter, puis d’avancer. Aujourd’hui, autant je travaille sur Poulet Neige, autant j’ai d’autres perspectives. Je ne suis peut-être pas frileux, mais j’aborde la musique d’une autre manière. Avec moins d’insouciance un peu. Avec Lac Estion, il y a des shows qu’on a faits dans des conditions trash. Des shows bruns. Aujourd’hui je ferais la même chose et je trouverais ça plate. Avec Lac Estion on n’avait pas d’acquis alors tout était cool. C’était plus d’émerveillements. C’est ça qui va me manquer. Quand on sortait des albums, il y a eu un intérêt médiatique. Il y avait quand même du monde au lancement de XVIe siècle, mais ça n’a jamais été un gros succès. Ça aurait pu fonctionner un peu, mais il n’y a rien eu d’éclatant. Je pense qu’avec le projet qu’on a là, ça risque d’être plus intéressant. Un peu plus posé, nuancé et dynamique.

MC: Comment as-tu préparé le dernier spectacle de Lac Estion?

PA: On va faire essentiellement le même show qu’on a fait il y a trois semaines au Divan Orange. On va juste jouer les morceaux. Ce n’est vraiment pas un spectacle nostalgique. On joue huit chansons, puis là-dedans on fait même un cover. On fait deux nouvelles chansons. Les autres viennent toutes des deux derniers EP qu’on a faits. Ce n’est pas un spectacle d’adieu où on va sortir tous nos vieux succès. J’avais pensé le faire avec les musiciens originaux en faisant les chansons qu’on a faites en 2008-2009, mais c’était trop compliqué. Les chansons de Lac Estion étaient compliquées. Ça aurait été beaucoup de travail à monter. J’aime mieux me tourner vers l’avenir. Je ne veux pas perdre du temps à être nostalgique.

 

 

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