Les scoops du Campus

Une des forces du Montréal Campus, c’est qu’il se prend au sérieux. C’est une excellente chose pour former la relève journalistique québécoise. Même si parfois, ça va un peu loin.

Quand je suis arrivé au Montréal Campus, notre but ultime était de le rendre aussi bon qu’à l’époque de notre prédécesseur, Pierre-André Normandin, qui avait déterré les fortunes englouties par l’UQAM dans «l’affaire Manitou». Nous voulions à tout prix un scoop équivalent.

Nous avions dans notre équipe Gabriel Béland, un jeune journaliste prometteur qui fouillait le dossier de l’Îlot Voyageur (il a mal viré aujourd’hui, il couvre le UFC). Gabriel avait obtenu un document confidentiel sur l’Îlot Voyageur. Je ne me souviens plus du contenu, mais c’était exclusif. Tout le monde sait que c’est la seule chose qui compte, n’est-ce pas?

Un autre jeune journaliste prometteur, de La Presse celui-là, nous avait contactés pour obtenir copie du document. Nous avions accepté, mais à condition qu’il mentionne «selon un document obtenu par Montréal Campus» dans son article. Nous lui avons faxé le tout. Il l’a utilisé, sans nous citer. Nous étions verts de rage !

J’avais alors pris mon papier à en-tête du Montréal Campus, et envoyé une lettre solennelle à Éric Trottier, le directeur de l’information à La Presse. Ou plutôt, mi-solennelle, mi-pétage de coche.

Drapé dans mes habits de rédacteur en chef, je dénonçais leurs procédés, j’exigeais des excuses, et réclamais des sanctions envers tout journaliste de La Presse qui s’approprierait les scoops du Campus. Je demandais une réponse dans les plus brefs délais.

Il ne m’a jamais répondu. Une source à l’interne m’a confié que La Presse nous avait trouvés ridicules dans notre crisette (la source étant un photographe, ses mots exacts étaient : «Vous avez eu l’air d’osties de caves»).

Pas grave. Tout passe mieux dans le milieu du journalisme 
quand ça vient de Montréal Campus. Trottier est lui-même un ancien campussien. Quelques 
années plus tard, c’est lui qui m’a recruté à La Presse, où je côtoie plus de 
la moitié de mon ancienne équipe de journal étudiant.

Je prends encore mon travail très au sérieux. Mais je n’ai plus le droit de parler au boss sur ce ton.

Vincent Larouche
Journaliste

La Presse

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