Aïcha, 13 ans, vit les prémisses de l’adolescence comme dans un film des années 80. Elle est follement amoureuse de Baz, jeune musicien aux allures de chevalier des temps modernes, et écoute les conseils de ses meilleures amies Mélissa et Jo, deux prostituées travesties. Devant l’amour impossible entre elle et l’homme de sa vie (en raison de l’âge de ce dernier), Aïcha commet l’irréparable. Au lendemain d’un drame sans précédent, elle se retrouve en tête-à-tête avec une travailleuse sociale et lui raconte sa courte vie.
Ancré entre la tragédie grecque et la déposition, Et au pire on se mariera, première expérience romanesque de l’auteure Sophie Bienvenu, est campé dans le quartier Centre-Sud de Montréal. C’est par une plume acerbe que l’auteure dépeint le décor qui verra grandir trop vite Aïcha. Le style du roman est cru et authentique.
Bienvenu vacille constamment entre le réel et l’imagination d’une adolescente en quête de sa féminité. Elle sème le doute dans la tête du lecteur, et ce, jusqu’à la scène finale où les masques paraissent tomber et que la vérité tend à ressurgir. Une part de mystère planera néanmoins jusqu’à la dernière phrase.
Le livre aborde l’idée d’une jeunesse en perdition, sans repères. S’interrogeant sur la culpabilité probable d’une petite fille à la fleur de l’adolescence, Sophie Bienvenu dévoile ici un cri du cœur, une dernière bouteille à la mer. Les personnages à la dérive ne recherchent pas de finalité et acceptent la fatalité de la pauvreté et de la misère. Ils se l’approprient et l’adaptent à leur vie de tous les jours. Les nuances et la subtilité des personnages est particulièrement intéressante. Aïcha développe un mode de survie par rapport aux seringues souillées dans la rue, mais sans chercher à éradiquer le problème. Seul Baz détient cette volonté de braver ce fatum.
À ses dépens, il apprendra que l’on ne peut sortir en un seul morceau d’une tragédie. La misère rattrapera tout le monde et au pire, on se mariera.
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