Ravaler la façade

Coincée entre son déficit budgétaire et ses plans de redressement, l’UQAM est contrainte de retarder les travaux nécessaires à sa cure immobilière.

Pour un étudiant moyen de l’UQAM, échafauds et cônes orange sont des parties intégrantes du quotidien sur le campus universitaire. La plupart des étudiants n’ont en réalité jamais connu certains édifices sans leurs structures de métal. Initialement installés pour protéger les passants des chutes de pierres et de neige provenant de ces vieux bâtiments, ces échafauds trahissent l’âge avancé de plusieurs pavillons.

Cinq édifices ont obtenu des notes préoccupantes dans un rapport sur l’état des pavillons de l’UQAM paru en 2009. Malgré les dangers qu’ils présentent pour les piétons, son déficit budgétaire contraint l’Université à étirer la période de rénovation des édifices en détérioration qu’elle avait prévu se terminer l’an prochain. Premiers pavillons construits exclusivement pour l’Université, le Judith-Jasmin et le Hubert-Aquin auraient besoin d’un tout premier rafraîchissement de leurs structures, estimé à 25 M$. En 2009, l’UQAM avait planifié étendre les rénovations de ces pavillons sur cinq ans. Rien n’a encore débuté en 2012.

Pour leur part, les pavillons V et AB font partie des pavillons les plus vieux que possède l’UQAM. Dans le rapport de 2009 faisant le constat de l’état physique de chacun des pavillons, ces bâtiments centenaires ont été désignés comme étant dans un état «critique». La directrice de l’entretien des composantes architecturales de l’UQAM, Odette Béliveau, qualifie ce rapport d’inquiétant, surtout pour des bâtisses situées au coin des rues les plus passantes du centre-ville de Montréal. La même année, l’UQAM a placé le V et l’AB dans ses dossiers prioritaires, s’allouant un budget de quelque 8,4 M$ pour leur donner un nouveau souffle de vie. Les travaux devaient être effectués en deux ans tout au plus. Trois années plus tard, les rénovations sont toujours en cours, bien qu’Odette Béliveau estime que les échafauds devant le V pourraient être retirés cet automne.

Installés en 2006, les échafauds n’avaient comme fonction que de protéger les piétons des chutes de pierres provenant de la façade du pavillon. Ce n’est que cinq ans plus tard que les travaux de restauration ont réellement débuté. De 2006 à l’automne 2011, les échafauds ont coûté à l’UQAM 147 500 $ de frais pour occuper le trottoir de la rue Ste-Catherine. Selon Odette Béliveau, les raisons du retard des procédures sont multiples et relèvent principalement d’une mauvaise évaluation de la part de l’UQAM. Fuites des nouvelles toilettes, découverte d’amiante dans les murs, travaux d’urgence par-ci, par-là… Bref, l’administration a dû s’ajuster à plusieurs reprises. Le bâtiment identifié comme patrimoine culturel par la ville de Montréal a par ailleurs une maçonnerie capricieuse qui requiert l’achat de matériaux très rares fabriqués sur mesure dans une usine de Grande-Bretagne.

Les rénovations effectuées jusqu’à présent concernent la façade de l’édifice, le hall et les ascenseurs, les parties les plus endommagées de l’immeuble. Pour ce qui est des rénovations à l’intérieur du bâtiment, Odette Béliveau ne les envisage même pas. «On n’a pas mis tout l’argent qu’il faudrait pour terminer toutes les rénovations, avoue-t-elle. Avec ce qui a été fait, le pavillon peut bien tenir pour les cinq à dix prochaines années.» Quant à savoir ce qui a retardé et restreint les rénovations, Odette Béliveau n’hésite pas: le déficit immobilier de l’établissement en est la principale cause. Avec le plan de redressement de l’UQAM, les projets de rénovations se heurtent à un gel des équipes de travail. «On rame. Mais il sera impossible d’ajouter des employés à l’équipe de construction jusqu’au retour à l’équilibre budgétaire.»

Pour le responsable de la firme TB Maestro, l’entreprise qui a produit le rapport en 2009, Cyril Château, les grandes rénovations peuvent toutefois attendre. «On priorise les réparations en fonction des risques que présente le bâtiment. Ce qui se classe généralement dans les urgences, c’est ce qui met en danger la santé des usagers.» Les déficiences qui peuvent causer des moisissures ou des faiblesses dans les structures sont donc des réparations à effectuer en priorité.

Se classant dans cette catégorie prioritaire figure le clocher du pavillon Judith-Jasmin datant de 1857. La structure emblématique de l’Université a commencé à perdre des plumes l’été dernier et a lui aussi eu droit à son propre échafaud de sureté. De son côté, le toit du pavillon J aurait besoin d’une cure de rajeunissement. Il en va de même pour la sortie Berri-de Maisonneuve, bloquée depuis plusieurs mois maintenant. «Il n’y a plus rien qui marche niveau béton à cette sortie, affirme la directrice de l’entretien des composantes architecturales de l’UQAM, Odette Béliveau. Personnellement, je n’oserais pas m’y aventurer», ajoute-t-elle avec humour.

Les rénovations intérieures du J et du A seront d’autant plus difficiles compte tenu de l’achalandage important des deux pavillons. «L’idéal serait d’évacuer le bâtiment, mais il serait impossible de déménager l’École des médias pendant une année complète.» Une étude approfondie des priorités et des alternatives est donc toujours requise. L’important pour l’UQAM est maintenant de «mettre l’argent à la bonne place», concède Odette Béliveau.

Quant à savoir ce qu’il adviendra des deux étages supplémentaires que l’UQAM voulait construire sur le toit du pavillon J dans le cadre de son Plan directeur immobilier, Odette Béliveau se garde d’émettre des prévisions. Elle confirme toutefois que le projet d’expansion pourrait être reporté. Pour le moment, la priorité de l’administration consiste à «évaluer ce qui est essentiel» afin d’éviter de faire les mêmes erreurs que dans l’AB et le V. Selon Cyril Château, il serait incohérent d’investir dans la réparation de la toiture si l’UQAM souhaite ajouter deux étages au pavillon. «Pour les cinq prochaines années, il serait idéal de maintenir le toit en vie en le «patchant» avant d’installer les étages supplémentaires», croit-il.

Illustration: Sophie Chartier
Crédit photo: Daphné Caron

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