Peur du noir

Plongé dans le noir le plus complet, le spectateur pénètre dans la salle. Il tâche de trouver un endroit où s’asseoir, à tâtons. L’émerveillement ne tarde pas à venir, lorsque dans cette pénombre, 12 visages lumineux apparaissent. À différents niveaux, ils sont d’abord parfaitement immobiles pour finalement s’éveiller, presque imperceptiblement. Dès lors, un questionnement débute. Impossible de dire quand il trouvera réponse. Voici l’angoisse de 12 aveugles abandonnés à leur sort, plongés dans l’inconnu.

Si la scène vous semble familière, c’est que vous connaissez soit Maeterlinck, soit Marleau. Rappelez-vous, en 2002, ces deux «M» s’étaient unis pour vous présenter la curieuse pièce sans acteurs; Les aveugles. Ça ne vous dit toujours rien? Soyez sans crainte, le critique non plus. Il a tout simplement lu son dossier de presse. La bonne nouvelle, c’est que pour les incultes que nous sommes, la pièce est de retour à Montréal jusqu’au 11 mars. Ne vous inquiétez pas, je l’ai testée pour vous et la salle du Musée d’art contemporain n’est pas aussi obsolète qu’on essaie de nous le faire croire. La preuve, je suis toujours vivant.

Tirée du texte éponyme, la pièce du symboliste belge Maeterlinck ne peut que piquer la curiosité. Associez-y Denis Marleau, le metteur en scène vedette de la compagnie trentenaire Ubu et vous serez franchement étonné par cette audacieuse proposition théâtrale. Marleau multiplie les reprises de qualité, à l’occasion du trentième anniversaire de la compagnie. Pensez à Oulipo show. La distribution est complétée par deux acteurs chevronnés qui campent chacun six personnages simultanément. Il s’agit de la très versatile Céline Bonnier et du captivant Paul Savoie.

En incarnant un groupe d’aveugles ayant toujours vécus sous la supervision d’un prêtre, les acteurs interprètent avec brio le jour où ils sont laissés à eux-mêmes, en terrains inconnus. Je dis «interprètent», mais en réalité, ils ne sont pas présents. Ils donnent peut-être un autre spectacle ou relaxent en pantoufles dans leur salon alors que leurs hologrammes d’une qualité impensable s’évertuent à transmettre l’angoisse indicible qui doit prendre l’aveugle contraint à faire face à l’inexploré. Comme je n’ai jamais assez de caractères pour tout vous dire, je m’arrête tout simplement ici en vous recommandant de toutes mes forces cette pièce phénoménale. La pièce se chargera de vous révéler le reste, comme il se doit.

Les aveugles de Maurice Maeterlinck au Musée d’art contemporain de Montréal du 22 février au 11 mars 2012. M.E.S. de Denis Marleau

Crédit: Stéphanie Jasmin

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