Symphonie caligulesque

Nommé meilleur spectacle de théâtre de l’année 2010 par le journal Voir, Caligula (Remix) a de quoi susciter les attentes. Le pari n’est pas mince, étant donné la notoriété du classique d’Albert Camus. Disons-le d’ores et déjà, c’est sans conteste l’une de mes pièces préférées. Je ne peux donc être que sans pitié, advenant un échec. Heureusement, aucun outrage n’a été proféré par l’adaptation, sinon une perte de l’intensité dramatique au profit de procédés postmodernistes.

Le metteur en scène Marc Beaupré n’en est pas à sa première proposition et on a eu la chance de le voir en tant qu’acteur dans plusieurs productions de qualité (Les Lavigueurs, Gaz Bar Blues). Autour d’une grande table inclinée, il nous invite cette fois-ci à un spectacle hybride, mi-lecture publique, mi-expérience sonore. Sortez-moi de vos têtes tout ce à quoi vous vous attendez de cette pièce tant de fois reprise. Le remix est complet, ne conservant que le texte pour balise. Les acteurs, à la fois protagonistes et chœur sont constamment amenés à quitter leurs rôles pour répondre aux ordres impétueux de leur coryphée (chef de chœur). Emmanuel Schwartz est Caligula. Caligula est l’empereur romain, l’homme le plus libre et le plus puissant au monde. Il est aussi le chef d’orchestre, l’unique maître de son œuvre monstrueuse.

Avec ses sujets, il brosse le portrait de sa folie engendrée par une quête de sens à laquelle nul ne saurait répondre. Au bien et au mal, il oppose une logique maniaque, sacrifiant aléatoirement les Romains sur l’autel de la démesure. Pas étonnant de la part d’un empereur poète qui voulait la seule chose qu’il ne pouvait avoir; la lune.

L’expérience sonore vécue au Gesù n’est pas désagréable sans être pourtant aussi magistrale qu’elle aurait pu l’être. Il y a certainement des procédés vocaux parfaitement ingénieux qui découlent de la console sur laquelle règne Schwartz. On reconnaît volontiers l’excellence de certains passages. Pourtant, Caligula (Remix) n’atteint pas complètement sa cible, perdant à l’occasion son spectateur dans un délire cacophonique qui nuit au texte. Les interprètes s’en tirent assez bien malgré un manque de conviction par endroits. C’est peut-être ça, le problème de cette pièce, un manque de cohésion et quelques légers cabotinages qui entravent le grand drame de Caligula. Ou peut-être n’est-ce seulement que de trop grandes attentes un peu déçues?

Caligula (remix) d’Albert Camus au Gesù du 15 au 17 février dans le cadre de Montréal en lumière. M.E.S. de Marc Beaupré

Crédit: Benoît Beaupré

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *