Courriels à effet de serre

Écologique l’Internet? Avec un clavier sous les doigts, difficile de s’imaginer que chaque clic peut avoir de graves conséquences sur notre environnement.

Considéré comme la solution miracle, l’Internet représente l’Eldorado pour les écologistes en guerre contre le papier. Pourtant, naviguer sur la Toile est tout aussi polluant que l’utilisation du papier, selon des études de Greenpeace Québec. Si l’utilisation des nouvelles technologies ne détruit pas la forêt boréale, l’électricité utilisée pour générer leur fonctionnement produit d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

«Les technologies de l’information et de la communication sont responsables d’environ 2 % des émissions mondiales de CO2», révèle Catherine Vézina, responsable des relations de presse chez Greenpeace Québec. Aux États-Unis, par exemple, où l’énergie est produite à plus de 50% par des énergies fossiles, surfer sur le Web peut s’avérer aussi polluant qu’un trajet de voiture.

Comment expliquer qu’une telle dépense énergétique passe inaperçue? Le Dr Jean-Patrick Toussaint, chef des projets scientifiques pour la fondation David Suzuki, fondation qui travaille à la préservation de l’environnement, semble d’avis que le problème réside dans nos activités quotidiennes. «Avant, quand on écrivait une lettre à quelqu’un, on s’assurait que tout ce qu’on voulait écrire était là, question de ne pas avoir à renvoyer une seconde lettre, explique-t-il. Aujourd’hui, on peut envoyer une douzaine de courriels sur le même sujet.» Selon lui, même si l’envoi d’une lettre requiert plus d’efforts, notamment en transport, la surutilisation de la messagerie électronique est, entre autres, ce qui empêche le virage vert annoncé avec l’arrivée du cyberespace.

Aussi, le fait de laisser bêtement son ordinateur ouvert, même si on ne navigue pas sur le Web, s’avère être très énergivore, d’après une étude réalisée en 2009 par le ministère des Ressources naturelles du Canada. En effet, un ordinateur laissé en mode «veille» consomme jusqu’à 360 kilowatt/heure (kW/h), comparativement à 24 kW/h pour un ordinateur fermé. D’ailleurs, complètement ouvert, en fonction «économie d’écran», votre ordinateur consomme 1680 kW/h.

Informatique ennuagée
Les récentes innovations apportées par les géants du Web mettent des bâtons dans les roues aux environnementalistes voulant réduire la consommation énergétique des appareils. Par exemple, la nouvelle façon d’entreposer des informations via des serveurs à distance, le «cloud» – un nuage informatique virtuel – cause des émissions polluantes importantes. En termes d’énergie, l’informatique en nuage consommait 623 milliards de kW/h en 2007. Si une croissance estimée de 9% par année se produit, tel que prédit par le Smart 2020 Report (programme qui vise une utilisation plus intelligente de la technologie), le «cloud» sera responsable, en 2020, de 1963,74 milliards de kW/h. Et ce, seulement aux États-Unis. Selon le ministère des Ressources naturelles du Canada, 1 kW/h serait l’équivalent de prendre une douche de trois minutes.

Professeur au Département des sciences comptables de l’UQAM, Daniel Clapin-Pépin indique que le fait de sauvegarder des données sur un serveur à distance, coûte moins cher aux entreprises. «La sous-traitance permet des économies, et du point de vue des entreprises, il consomme moins d’énergie que les serveurs réguliers.» Devant ces chiffres alarmants, certaines compagnies, telles que Google et Facebook, ont pris la situation en main pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. «Google s’est engagé à installer ses centrales de production électrique dans des zones où on produisait de l’énergie propre», ajoute le professeur. En décembre dernier, après de nombreuses pressions de groupe écologistes comme Greenpeace et sa campagne «Retire le charbon de tes amis», Facebook a fait de même en s’engageant dans le projet Open Compute, visant à optimiser la puissance des serveurs à distance tout en diminuant sa consommation d’énergie.

Un Québec vert
Même si les Québécois sont des athlètes du clic, la Belle Province montre l’exemple à ses voisins du Sud avec une utilisation du Web plus optimale et plus propre. En effet, le Dr Jean-Patrick Toussaint signale que la problématique des sources d’énergie sales ne constitue pas un enjeu important ici. «L’utilisation de l’hydroélectricité au Québec est plus écologique que le charbon. Dans l’optique où Hydro-Québec peut fournir toute l’électricité nécessaire au fonctionnement des ordinateurs, on peut parler d’une énergie propre et donc d’un Internet écolo.» Le Québec fait bonne figure en termes de consommation d’énergie, vu l’utilisation majoritaire de l’hydro-électricité comme source. En 2009, la consommation d’électricité au Québec était de 182,6 milliards de kW/h et elle a diminué de 2,14% par rapport à 2008, selon le ministère des Ressources naturelles et de la faune.

Selon le professeur Daniel Clapin-Pépin, tout l’enjeu de la consommation d’énergie des nouvelles technologies tourne autour d’une même question, l’Internet peut-il aspirer à être écolo? «C’est la condition de la réussite du passage à un nouveau système écologique d’énergies propres», répond tout simplement celui qui se décrit comme un écologiste parmi les capitalistes sauvages. En s’appuyant sur la théorie du dernier livre de l’auteur américain Jeremy Rifkin – qui explique comment la communication Internet peut transformer notre utilisation de l’énergie – le volubile professeur soutient que les énergies renouvelables et propres seront sans aucun doute la source d’une troisième révolution industrielle.

Illustration: Sophie Chartier

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