Agents libres

Dans la foulée de la grève générale illimitée, les étudiants libres s’égarent dans les méandres associatifs. Prendre part à la vie démocratique uqamienne peut s’avérer ardu pour ces électrons libres du savoir.

Assise au fond de la classe dans son cours de «Problèmes politiques contemporains», Joanie Laforest se questionne sur l’allure que prendra sa session d’hiver. À voix basse, elle interroge discrètement son voisin pour connaître les conclusions de l’Assemblée générale de son association facultaire. Pour toute réponse, elle a droit à un bref résumé, enrobé de maintes ambiguïtés. Laissés dans un flou artistique, les étudiants libres de l’Université du peuple ne sont pas au parfum des avenues possibles quant à leur participation à la vie démocratique universitaire.
«Je me tiens au courant de ce qui se passe dans les deux facultés qui me concernent, soit Science politique et Communication, explique Joanie. Je n’ai cependant aucune idée si j’ai un quelconque droit de vote.» Si la plupart des associations facultaires offrent aux étudiants libres l’option de devenir membre volontaire, force est de constater que beaucoup d’entre eux ignorent cette possibilité. Sur les quelque 3 500 étudiants libres inscrits en moyenne par session, la plupart des associations estudiantines ne compte qu’environ cinq membres volontaires. L’Association facultaire des étudiants en langues et communications (AFELC) n’en accueille quant à elle qu’un ou deux par trimestre.

En devenant membres volontaires, les étudiants libres peuvent prendre la parole au sein de la sphère publique uqamienne, au même titre que les élèves inscrits aux programmes. «Ils sont alors protégés et défendus comme tout le monde et ils peuvent aller en assemblée», assure l’adjointe exécutive de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH), Véronique de Broin.

Un étudiant libre peut s’inscrire comme membre volontaire d’une association à condition qu’il soit inscrit à au moins un cours dans la faculté. Il doit aussi le faire dans les quinze premiers jours ouvrables de la session. «Il faut qu’il vienne au local pour remplir un formulaire et il doit ensuite payer les frais de 19 $», précise la trésorière de l’Association facultaire des étudiants et étudiantes en arts (AFEA), Mélissa Arbour. Les frais varient d’une faculté à l’autre, pouvant atteindre 23 $ à l’AFELC. Les étudiants libres bénéficient aussi des assurances santé et dentaire, sauf à l’AFESH. «Le paiement des assurances se fait lors de l’inscription et ce n’est pas possible par la suite, s’excuse l’adjointe exécutive. C’est une question de gestion.»

Bisbille à l’assemblée
Pour Joanie Laforest, qui a un cours en politique, il semble encore plus difficile de s’embrigader dans une association facultaire – celle qui la représente se targue de n’accepter aucun membre volontaire. «Ça donne l’occasion à des gens qui ne sont pas « vraiment » membres de paralyser les instances démocratiques», juge Samuel Ragot, coordinateur général à l’Association facultaire étudiante de science politique et de droit. Selon lui, n’importe quel membre volontaire pourrait arriver bien préparé en assemblée et faire passer ses points de vue, même s’il n’a qu’un seul cours en politique. «Ça donne une porte ouverte à plusieurs dérives.»

À l’École des Sciences de la gestion (ESG), les étudiants libres peuvent, théoriquement, faire une demande d’adhésion à l’association facultaire. «Il faudrait cependant que le comité se penche sur la question, estime un membre de l’exécutif de l’Association des étudiants de l’ESG, l’air timoré. De la façon dont nous interprétons les règlements, nous n’acceptons pas de membres volontaires.»

À l’AFEA comme à l’AFESH, aucun cas d’abus n’a pourtant été recensé au cours des dernières années. «Ça fait cinq ans que je suis ici et, de mémoire, je n’ai vraiment aucun exemple du genre», atteste Véronique de Broin de l’AFESH. Pour elle, tous les étudiants ont droit de faire valoir leurs points de vue à l’intérieur de leur établissement scolaire.

Court-circuit
Pour Mélissa Arbour de l’AFEA, les étudiants libres sont tenus à l’écart du système démocratique uqamien parce que l’information circule mal. Comme les associations n’ont pas les coordonnées de ces élèves, la trésorière explique que la seule façon de les rejoindre est de faire des tournées dans des cours stratégiques. «Reste qu’on ne peut pas passer dans toutes les classes», déplore-t-elle.

Véronique de Broin considère pour sa part que c’est à l’UQAM que revient la tâche de renseigner ses étudiants libres. Au département des dossiers universitaires, le responsable des étudiants libres, Jean Morissette, tombe des nues: c’est la première fois qu’on lui parle de ce problème. «Après avoir appris qu’ils peuvent intégrer certaines associations, je crois en effet qu’il y a un manque au niveau de la communication», avoue-t-il, visiblement étonné.

Pour contrer cette mésinformation, Jean Morissette envisage d’inclure dans la trousse d’inscription des étudiants libres un volet traitant de leur possible participation aux différentes instances démocratique de l’Université. À défaut d’être congrûment informée, Joanie Laforest comme plusieurs continue de nager dans l’inconnu.

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Adhésion coûteuse
À l’Université de Montréal (UdeM), les étudiants libres peuvent facilement devenir membre de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal. Les coûts d’inscription varient cependant de 10 $ pour les étudiants en langue anglaise ou en bibliothéconomie à 102,50 $ pour la faculté de pharmacie. Les étudiants libres ont globalement les mêmes droits et privilèges que les autres étudiants, à l’exception de l’accès au Centre sportif. «Selon le nombre de crédits auxquels ils sont inscrits, un supplément peut leur être demandé pour utiliser les installations», précise la conseillère en relations de presse de l’UdeM, Flavie Côté. À l’UQAM, les étudiants libres ont accès aux installations du Centre sportif, même s’ils ne sont pas membres d’une association facultaire.

Crédit photo: Zoé Pouliot-Masse
Illustration: Dominique Morin

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