J’aime le papier. Son odeur un peu sucrée. Un peu poussiéreuse aussi. Sa texture légèrement rugueuse sous les doigts. J’aime le papier lorsqu’il revêt ses plus beaux atours et qu’il se déguise en pages. Qu’il se lie et relie avec d’autres. Qu’il s’assemble et se cache sous une couverture. J’aime les livres. Les vieux, ceux un peu abimés, qui ont du vécu. Les neufs aussi. Ceux qui n’ont pas encore absorbé les odeurs des maisons, des lecteurs. Les formats «de poche» qui se glissent partout et se lisent dans le métro. Les formats géants qui ne se lisent qu’assis à une table. Les nouvelles, les «briques», les recueils. Mais surtout, les vrais. Ceux qu’on peut tenir entre nos mains, qu’on peut sentir, humer.
La numérisation des livres me donne mal au cœur. Me donne un vague à l’âme. Une impression de disparition.
Les écrans me donnent des maux de têtes. Les tablettes numériques, de l’urticaire. C’est cliché, je le sais. Mais que voulez-vous!
J’aime les livres. En cuir, en carton. Ceux dont on peut corner les pages et casser les dos.
Il faut savoir vivre avec son temps qu’ils disent. On sauve des arbres. Évidemment.
Parlant d’environnement. Les livres font partie de l’habitat naturel d’une espèce bientôt en voie d’extinction, celle des libraires. Vous savez, ces rats de bibliothèque qui se sont convertis et qui ont adopté le côté mercantile de leur passion. Mais le numérique est à la mode. Moins cher, plus écolo. Le «livrel», ou le livre numérique, est in. «Il est dans l’air du temps…» Et avec ce temps, les vendeurs de livres ont de moins en moins la cote. À moins qu’ils ne soient virtuels et ne portent le nom d’Amazon. Chez nos voisins du sud, les librairies sont presque désertes, les ventes de livres numériques ayant déjà surpassé celles des livres papiers.
Et les bibliothèques ne seront pas longtemps en reste. Dès le mois prochain, une plateforme d’emprunt numérique sera mise à l’essai dans les institutions publiques du Réseau Biblio du Québec. Si tout se passe bien, cette dernière, élaborée par De Marque, une société spécialisée dans l’éducation interactive en réseau, devrait ensuite être installée dans près de 750 bibliothèques à travers la Belle Province et ce, dès le début de l’année 2012. Avec la possibilité d’emprunter via le cyberespace, qui ira perdre son temps dans les antres du savoir qu’étaient autrefois les bibliothèques? Comme le gars dans l’article, qui ira perdre 12 heures dans un aller-retour de 900 km?
Le numérique, c’est bon pour l’environnement qu’ils disent… Je le sais.
Florence Sara G. Ferraris
Chef de section Culture
culture.campus@uqam.ca
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