Qu’ils étudient sur l’un des flancs du Mont-Royal ou au centre-ville, les étudiants doivent composer avec le manque d’entretien de certains locaux, au risque de leur santé.
Le couloir qu’empruntait chaque semaine Olivia Dixon* pour se rendre en cours de laboratoire est sombre et humide. Murs troués, odeur nauséabonde et dalles manquantes sur le plancher font office de décor au sous-sol du pavillon Wilson Hall de l’Université McGill. Un an après son entrée à l’Université, le cours est déplacé dans un meilleur endroit et le café du sous-sol ferme ses portes. À travers les ouï-dire, elle comprend que les moisissures en seraient la cause.
Depuis, aucune nouvelle. «À McGill, on ne reçoit aucune information concernant l’état du bâtiment, à l’exception des communiqués qui nous disent que nos classes sont relocalisées», déplore l’étudiante. Les locaux du conseil étudiant et les tables du café sont toujours accessibles, mais les autres activités sont suspendues. «Tout est toujours en bien mauvais état. Dans notre salle d’étude située au dernier étage, les plafonds coulent lorsqu’il y a de lourdes précipitations», explique-t-elle tout en précisant ne plus s’y rendre pour étudier. J’ai l’impression que les travaux de rénovation du sous-sol ne sont pas la priorité de McGill» La jeune infirmière s’inquiète d’une exposition régulière à ce qu’elle croit être des moisissures. Quoique la situation soit désagréable à voir, Katherine Bombay, du service des communications, précise que des analyses de la qualité de l’air démontrent qu’il n’y a aucun risque d’amiante ou de moisissures. «On ne peut envisager la réfection du sous-sol pour le moment, car les coûts seraient énormes et le processus très long», soutient-elle.
À quel stade un bâtiment peut-il être qualifié d’insalubre? Selon Dr Louis Jacques, professeur agrégé de clinique à la Direction de la santé publique de Montréal, il n’y a pas de critères définitifs pour le déterminer. «Si certains locaux sont très détériorés et moisis sur une grande surface, à ce moment, on peut les déclarer insalubre et évacuer l’endroit», explique-t-il, en ajoutant que cela peut parfois prendre des mois, selon la gravité de la situation. Sans être en mesure de se prononcer sur un cas particulier, il rappelle que la présence de champignons peut être nocive pour la santé. «Si absorbées dans l’organisme, les micro-toxines parfois produites par les moisissures peuvent aussi engendrer des maladies du système digestif, de la fatigue ou des malaises plus sérieux.»
Ce pourrait d’ailleurs être le cas de l’autre côté de la montagne, dans le pavillon Strathcona de l’Université de Montréal (UdeM), où le manque d’entretien se fait sentir. «Dans ce pavillon, les salles de bains sont vraiment dégueulasses, illustre Philippe Potvin*, étudiant en géographie. Quand ils ont enlevé un urinoir pour faire des tests, nous avons pu apercevoir de gros champignons à l’intérieur du mur qui se trouvait être aussi le mur d’une classe utilisée.»
Dans un rapport publié en mai 2011, des professeurs de géographie indignés de leurs conditions de travail dénoncent la concentration de spores d’aspergillus dans l’air du pavillon Strathcona, qui correspond au double du seuil pouvant entrainer des problèmes de santé respiratoire. Le département occupe «temporairement» ce pavillon depuis 32 ans. Selon Flavie Côté, conseillère principale aux relations médias de l’Université, il sera relocalisé sur le futur campus Outremont. «Des travaux de réfection ponctuels de l’ensemble du bâtiment centenaire seront entrepris dans le plus bref délai.» L’UdeM est locataire du pavillon Strathcona: la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, propriétaire, a donc sa part de responsabilités. «Dans les derniers jours, nous avons fait des travaux d’esthétisme dans l’immeuble et réparé le chauffage, explique Jean-Michel Nahas, conseiller aux relations de presse de la commission scolaire. Nous réhabiliterons les locaux contaminés dans les prochaines semaines.» L’administration prévoit également de refaire le drainage extérieur.
Toutefois, le pavillon de musique, propriété de l’Université, a lui aussi été l’objet de critiques. Le 2 novembre dernier, le journal étudiant Quartier Libre rapportait que le bâtiment est jugé vétuste, insalubre et mal adapté par les étudiants, qui s’inquiètent également de la présence d’amiante. L’article dénonce le fait qu’aucune rénovation n’a été entreprise malgré un rapport d’une firme d’ingénieurs publié en 2004. Ce dernier dresse «un portrait inquiétant de l’état de certaines structures sur le campus». L’administration attendrait plutôt que le nouveau pavillon Outremont soit prêt.
Réno-V
À l’UQAM, le pavillon V, rue Sainte-Catherine Est, subit quant à lui d’importantes rénovations. «En commençant ce projet d’infrastructure cet été, nous avons fait face à des conditions d’amiante», explique Jonathan St-Jean, directeur de la gestion des projets immobiliers de l’UQAM. Le 22 juin dernier, le Service de la prévention et de la sécurité (SPS) de l’UQAM envoie un communiqué aux occupants du pavillon fournissant des informations relatives aux travaux d’enlèvement d’amiante. «Deux échantillons sur 59, prélevés possiblement dans les salles de bain, montraient des concentrations entre 40% et 45% d’amiante chrysotile, la moins dangereuse des cinq types», affirme Sinarith Heng, conseiller en prévention du SPS.
Le technicien d’aménagement du Service des immeubles et de l’équipement, Jean-Pierre Bidegain, confirme que 22 contrôles de qualité de l’air ont été produits entre juin et septembre 2011 par MHV, une firme d’experts-conseil en amiante, pendant les rénovations. «Tous révélaient qu’il n’y avait aucune présence d’amiante», dit-il, en précisant combien le bien-être de ses collègues et des étudiants lui tient à cœur. «La situation est dangereuse lorsque des particules sont dans l’air et sont respirées, mais pas quand l’amiante est encapsulée dans les murs, comme c’est le cas dans le pavillon V», explique Luc Hamelin, directeur adjoint du SPS. L’amiante qui n’était pas dans les pièces à rénover n’a toutefois pas été enlevée.
Le projet d’infrastructure du V est planifié depuis longtemps, mais n’a pu devenir réalité que cette année, en raison de projets prioritaires. À tout le moins, Luc Hamelin est heureux que l’UQAM ait maintenant un plan directeur immobilier. «L’entretien des vieux et nouveaux bâtiments est planifié pour les prochaines années. Nous avons une vision dont on peut douter, mais au moins, nous en avons une!»
*Les noms ont été modifiés à la demande des étudiants pour éviter de brimer leur parcours scolaire.
Crédits photo: Raphaëlle Bonin et Jean-François Hamelin
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