L’espoir comme modernité

Rare de voir des mathématiciens au théâtre. Sauf dans le cas où ceux-ci ressemblent autant à des poètes romantiques qu’à des révolutionnaires antimonarchiques. Qui aurait pu se douter que le père de la théorie des groupes en algèbre serait un personnage aussi enflammé qu’Évariste Galois? Si le personnage que nous propose la jeune dramaturge Geneviève Billette est une version romancée du savant, sa vision n’en est pas moins intéressante. Évariste Galois, mort à 20 ans en duel au milieu du 19e siècle, est loin des ennuyeux cours de maths qu’on vous assenait au secondaire. Personne n’aurait été gêné d’en faire une pièce, encore moins la talentueuse Geneviève Billette.

Contre le temps a pris l’affiche le 8 novembre dernier au Théâtre d’Aujourd’hui et risque de voler la vedette jusqu’à sa fin, le 3 décembre prochain. Vous feriez bien d’aller y faire un tour, histoire de ne pas manquer l’un des grands crus théâtraux de l’année. La production est loin d’être obscure avec René Richard Cyr à la mise en scène.

Ne m’attendant à absolument rien, j’ai été happé à une vitesse folle dans l’intrigue de cette pièce marquée par l’urgence. On y voit Évariste Galois (prometteur et ardent Benoît Drouin-Germain) évoluer sous le regard de ses quelques proches, vivre le départ trop rapide du père adulé. On suit avec attention le développement fiévreux de sa théorie en compagnie de son ami Augustin (très juste Benoit McGinnis), ses nombreuses altercations avec toute forme d’autorité jugée illégitime (même le roi), ses rares amours et ses questionnements en compagnie d’un coloré Gérard de Nerval.

Au risque de paraître ridiculement élogieux, je n’ai que des fleurs à jeter à Contre le temps. Le texte de Billette devrait trôner dans chacune de nos bibliothèques. Le jeu des huit acteurs est sublime, toujours égal et maîtrisé. Si l’esprit révolutionnaire vous habite un tant soit peu, je ne serais pas surpris que vous soyez autant touché que j’aie pu l’être. Mention spéciale à Émilien Néron dans le rôle du petit frère d’Évariste qu’on a pu voir récemment dans Monsieur Lazhar, au cinéma. Quant à la mise en scène de René Richard Cyr, on ne peut plus épurée, tout y fonctionne au quart de tour, comme cette montre que porte Évariste en souvenir de son père. Comme ce temps qui ne s’arrête jamais, même pour laisser la plus importante des découvertes être mise sur papier. Que voulez-vous, même les poètes n’y peuvent rien.

Contre le temps de Geneviève Billette au Théâtre d’Aujourd’hui du 8 novembre au 3 décembre. M.E.S. de René Richard Cyr

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