Après avoir occupé Wall Street, le mouvement altermondialiste qui secoue les États-Unis s’offrira en version montréalaise: Occupons Montréal prendra d’assaut – un assaut pacifique –, le 15 octobre, le Square Victoria. Quelque 1500 villes à travers le monde devraient aussi être les hôtes de protestations citoyennes.
Ce soulèvement mondial tire sa force de la confusion qui l’entoure. Pas de revendications. Pas de clivages gauche/droite. Pas de discours moralisateurs. Pas de leaders. Pas de manifeste – ah, oui, un manifeste, mais pas tout à fait au point. Juste un slogan: «Nous sommes les 99%», sans trop savoir qui sont les 1%. Les milliardaires? Certains d’entre eux ont donné leur appui au mouvement. L’élite, dit-on dans une vidéo. Mais les élites sont multiples: économiques, politiques, religieuses, intellectuelles. Une révolution pacifiste n’aurait-elle d’autres choix que de les inclure – ou de les pousser – dans le changement? Il faudrait être pour la peine de mort pour souhaiter que 99% deviennent la totalité.
Là où j’ai encore plus de difficulté – on m’accusera de prêcher pour ma paroisse –, c’est lorsqu’on inclut les médias dans la grande domination capitaliste. Jamais je n’ai lu, dans aucun journal, une lettre de remerciement à l’intention des magnats de la finance qui l’ont précipitée (et non provoquée). Alors je serai peut-être le premier: je remercie, avec quelques réserves, les spéculateurs voraces, les créditeurs suicidaires et les banquiers pyromanes. Principalement parce que j’ai horreur des tueurs à gages, des meurtres de ruelles et des victimes de l’ombre. La crise économique de 2008 nous a enfin montré les corps. Et, pour que le changement soit possible, il faut voir les corps, en gros titre, en rouge, en caractère 72 à la une des grands médias, aussi collabos soient-ils du fascisme financier. Je n’invente rien: les crises sont des moteurs de changement. Les manifestations de ce qui existe déjà dans les nappes phréatiques, les fosses septiques et les coulisses du quotidien. De ce qui existe déjà en plus dangereux, en plus insidieux et surtout, en plus tolérable.
L’inquiétude, l’intolérable, les corps, ça détruit et ça rassemble. Ça rassemble et ça propulse. Se peut-il que la crise économique, précipitée par quelques magnats de la finance, ait précipité la mondialisation des consciences? Je doute qu’autant de citoyens se soient rassemblés à Wall Street si ce n’était des dérives récentes du système. Je doute qu’autant de citoyens se déplaceraient, le 15 octobre, pour réclamer un monde différent, un monde indéfini, mais au moins un monde différent. Les dérives me rassurent. Ce sont les barques emportées par le courant tranquille, l’acceptation passive et les petites arnaques imperceptibles qui m’angoissent. Des victimes du système – financier, économique et politique –, il y en avait bien avant la crise. Ceux-là étaient à pleurer.
Le 15 octobre, j’irai remercier les 1%., quels qu’ils soient. Entre mille citoyens en quête d’un monde nouveau, avec les 99%, je serai enfin un peu rassuré. Unis grâce à la crise, nous serons enfin un peu rassurés.
Charles-Éric Blais-Poulin
Chef de pupitre Société
societe.campus@uqam.ca
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