La dictature des mots

«Je suis stupéfait de constater le nombre de pourquoi il y a à l’écriture d’un livre.» Voilà une citation qu’il serait facile d’attribuer à l’auteur de Dans un avion pour Caracas, plutôt qu’à son narrateur. Et avec ce nouveau roman de Charles Dantzig, il serait intéressant d’ajouter: «Je suis stupéfait du nombre de thèmes qui peuvent tenir dans un bouquin de 299 pages.» Les mauvaises langues parleront d’un fourre-tout déroutant. J’ai préféré y voir un récit étonnamment mûr et complet, comme la vie qui y est racontée.

Le prétexte: un voyage en avion, du décollage à l’atterrissage. Le narrateur se rend à Caracas pour y rejoindre un grand ami qui est allé écrire sur le dictateur Hugo Chavez. Sauf qu’il est rarement question du présent voyage, mais plutôt des souvenirs qu’a ce narrateur de son ami. De ses souvenirs, mais aussi des nombreuses théories et réflexions de Xabi (cet ami) qui est loin d’être le dernier des cons. Au fil des anecdotes racontées, on découvre ce fantastique personnage, philologue et écrivain qui a quelque chose de brillant à dire sur absolument tout ce à quoi vous pourriez penser.

Dantzig nous étonne à chaque page. Il fait preuve de tant de brio qu’on a envie de souligner chacune des phrases (si vous avez aussi cette manie/maladie). À travers les écrits fictifs de Xabi, on est porté à réfléchir sur le langage, à l’importance que nous accordons aux mots et à leur pouvoir. Il disserte avec une éloquence effroyablement efficace sur la dictature, l’amour, l’amitié, la perception de l’intellectualisme et une foule d’autres thématiques apparemment incompatibles au sein d’un même ouvrage. Il emploie des procédés formels contemporains comme l’ajout d’illustrations dans le texte et pousse même l’audace jusqu’à relater une relation amoureuse par le biais de SMS.

Franchement, je n’avais rien lu de si bon et d’original depuis un bon moment. Dantzig nous prouve encore une fois qu’il n’est pas qu’un éditeur au flair remarquable (chez Grasset) ou un essayiste de talent. Il est aussi un poète et un romancier à découvrir le plus rapidement possible. À lire absolument, si vos souvenirs, comme les miens, ne suffisent pas à occuper votre esprit pendant un long voyage en avion. Ou plusieurs petits dans un métro bondé.

Dans un avion pour Caracas, Charles Dantzig, Grasset, 2011, 299 p.

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