Ni vu ni connu

Persévérance : un mot que les uqamiens souffrant de handicaps mentaux mettent en application tous les jours. Et l’institution ne leur facilite pas toujours la tâche. 

Jour de rentrée. Stressés, ils sont près de 300 à s’introduire dans les couloirs labyrinthiques de l’Université du peuple. Nul ne les remarque, mais les étudiants en situation de handicap invisible – la clientèle émergente – ont besoin de services adaptés, au même titre que les handicapés physiques. Et ces services sont parfois difficiles à dénicher.

«Il y a un manque de promotion des services. L’UQAM ne réussit donc pas à regrouper les étudiants dès leur rentrée», la présidente de l’Association des étudiants handicapés de l’UQAM (ADEH), Jessie Payette. Selon elle, plusieurs uqamiens ayant besoin d’assistance errent sur le campus sans être pris en charge. Seul le coupon qu’ils ont annexé à leur demande d’admission leur permet d’être repéré par le Service aux étudiants handicapés.

Mais les trois conseillers du SVE pour étudiants handicapés n’ont pas suffisamment de temps pour joindre tous les étudiants. Plusieurs arrêtent donc de fréquenter le service de soutien et dérogent de leur cheminement scolaire établi dans un plan d’intervention. Un simple courriel, envoyé à tous, rappelle l’existence du service. «S’ils ne se prévalent pas de l’aide offerte, on ne peut pas l’imposer», se défend Sylvain Le May.

Les étudiants en situation de handicap réclament parfois un accompagnateur ou un preneur de notes et se servent de l’Allocation pour besoins particuliers octroyée par l’Aide financière aux études pour les payer.  Alors qu’il est difficile pour eux de se concentrer dans les cafétérias chaotiques de l’Université, les rares locaux insonorisés sont leur seule alternative pour étudier convenablement. Certains demandent, même dans les classes, de faire leurs examens dans un local spécial ou d’enregistrer les professeurs lors des séances afin de maximiser leur apprentissage.

Encore faut-il que l’administration sache diriger l’étudiant vers le service adéquat. Le registrariat réfère, par exemple, les étudiants réclamant un plan d’intervention à l’ADEH plutôt qu’au Service d’accueil et de soutien pour handicapés.

Refuser la différence

L’ADEH déplore le manque de sensibilisation des professeurs. «C’est aussi ça la problématique. Notre handicap n’est pas écrit sur notre front. On doit toujours revendiquer nos droits», mentionne Jessie Payette. Certains professeurs refusent d’accorder un traitement particulier, et ce, parfois même si l’étudiant montre une carte identifiant leurs besoins spéciaux délivrée par le Service à la vie étudiante (SVE). Aucune réglementation ou autorité ne peut toutefois obliger le corps professoral à se plier à leurs requêtes. Et quand certains ont finalement droit à des accommodations, c’est au tour de leurs collègues de classe de se plaindre de l’attribution injuste de privilèges.

«L’ouverture des gens est à géométrie variable», affirme la directrice générale de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA), Lise Bibaud. Malgré de sérieux efforts d’intégration effectués depuis l’adoption de la politique d’accès des handicapés aux études supérieures en 1993, certains préjugés demeurent. Des professeurs se questionnent encore sur la place des handicapés sur les bancs d’école, au grand dam de la directrice de l’AQETA. «S’ils respirent, ils ont le droit d’apprendre!», affirme-t-elle. La Commission des droits de la personne planche d’ailleurs, depuis plus d’un an, sur les droits à l’accommodement pour les étudiants en situation de handicap. Aussitôt son rapport émis, chaque institution devra prendre des mesures visant à favoriser l’intégration de la clientèle émergente.

Organisation déficitaire

L’Université du peuple n’échappe pas à sa réputation de «Mère Teresa». En cinq ans, elle a accueilli près de 250 des 1000 nouveaux universitaires à troubles mentaux au Québec. «L’UQAM a une mission d’ouverture et accueille même des étudiants pour qui des études supérieures n’étaient pas envisageables», indique le conseiller au SVE et président de l’Association québécoise inter-universitaire des conseillers pour les étudiants ayant des besoins spéciaux, Sylvain Le May. L’Université tente de s’adapter, mais cette hausse fulgurante l’essouffle.

Il s’agit d’une charité de façade pour certains étudiants qui composent avec des ressources limitées. Avec un portefeuille effrité, l’UQAM doit se lier à des partenaires externes pour répondre aux besoins spéciaux de ces étudiants. Les services sont offerts, mais la communication entre les différentes institutions devient parfois laborieuse. «Ce n’est cependant pas par mauvaise volonté, mais il faudrait plus de discussion entre les différentes instances», lance une étudiante de l’ADEH qui préfère garder l’anonymat.

L’Université de Montréal possède, quant à elle, un orthopédagogue et un service de neuropsychologie à temps plein. «Ceci permet de diagnostiquer plus rapidement les troubles accablant les étudiants dans le besoin», déclare le conseiller du service aux étudiants de l’UdeM, Daniel Boucher.

Mais, selon le conseiller, certaines plaintes demeurent injustifiées. «Il faut en prendre et en laisser. On ne peut pas faire les études à leur place, explique-t-il. Même si j’offre la Lune, certains demanderont toujours la planète Mars.»

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