Exit les lettres, bonjour les négos

Après plus d’un an de démêlés avec la direction de l’UQAM, le Syndicat des chargés de cours obtient finalement une augmentation salariale rétroactive de 3%. Mais voilà que les deux parties entreprennent déjà des négociations en vue du renouvellement de la convention collective.
 
 
Pomme de discorde entre l’UQAM et les chargés de cours, les lettres d’entente 400 et 401, annexées à la dernière convention collective du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ), ont été scellées à l’issue d’une offre faite par l’Université en décembre dernier. Cette proposition, adoptée unanimement par les membres du Syndicat, enterre la hache de guerre dans un conflit qui  risquait de s’envenimer. Elle pave la voie à une négociation hâtive de la prochaine convention collective. 
 
Les deux documents au centre du litige syndical tirent leur origine du renouvellement de la convention collective 2009-2011 en mai 2008. Elles engageaient l’Université à rouvrir les discussions sur les échelles salariales si un autre syndicat obtenait la hausse des salaires de ses membres. Au moment d’apposer leurs signatures sur la convention collective, les chargés de cours étaient pleinement conscients que les conditions économiques leur étaient défavorables. «Nous avions à renouveler la convention au moment le plus critique de la crise financière de l’UQAM, raconte le président du Syndicat, Guy Dufresne. Les négociations avec les syndicats des professeurs, des employés de soutien et des employés étudiants étaient imminentes, et on savait que ce ne serait rien pour aider.» Submergée par les dérives immobilières de l’Îlot Voyageur et du Complexe des sciences, l’Université sombrait à quelque 20 millions de dollars sous les mers de déficit annuel. Le 9 mai 2008, les membres du SCCUQ ont donc accepté en Assemblée générale à 94% l’offre de reconduction de la direction. Leur nouvelle convention collective ne prévoyait aucune augmentation salariale au-delà des 3,25% sur trois ans garantis aux employés des secteurs public et parapublic. 
 
Les mois suivants, pendant que l’UQAM évitait la noyade, les trois autres syndicats de l’UQAM ont tour à tour vu leur échelle salariale majorée. Au terme d’une grève de plus de six 
 
semaines, le 24 avril 2009, le SPUQ a obtenu le plus significatif de ces gains: 11% sur trois ans. Le SCCUQ a ainsi réclamé de la direction une renégociation à la hausse des salaires de ses membres. Une première offre patronale est déposée en juin et rejetée massivement par le Syndicat. Si elle offrait aux chargés de cours une indemnité salariale de 1% pour les années 2009-2010 et 2010-2011, eux réclamaient plutôt 7% d’augmentation pour la même période. 
 
En septembre 2010, les tensions atteignent leur paroxysme. Dans une lettre adressée au recteur Claude Corbo, le président du Syndicat, Guy Dufresne, annonce que les membres, «profondément choqués» de la tiédeur de l’administration à respecter ses engagements, boycotteront l’allocution de la rentrée universitaire. «L’Université risque de briser une longue tradition d’échanges empreints de respect et de considération mutuels», avançait-il dans la missive. À l’inaction de la direction, le SCCUQ répond le mois suivant par un Plan d’action sous le thème «Tenez parole». Il investit 100 000 $ de ses actifs dans une campagne de mobilisation. 
 
La dernière offre n’est déposée qu’en décembre. Elle prévoit 3% d’augmentation salariale rétroactive pour les années 2010 et 2011, ainsi que le devancement du calendrier de négociation de la prochaine convention collective. L’adoption de l’offre par le Syndicat se traduit donc par la mise en œuvre d’une nouvelle lettre d’entente qui envoie les deux précédentes aux oubliettes.  
 
La direction n’a pas été en mesure de dire à combien s’élevaient les frais de cette augmentation. «Il est évident qu’il s’agit là de coûts significatifs», a toutefois confirmé le directeur des relations professionnelles de l’UQAM, Marc-André Vigeant. 
Salaires à la traîne 
Un rapport sur la rémunération des chargés de cours de l’UQAM remis à l’Université en février 2010 par la firme AON Conseil (voir encadré) soulignait déjà le retard de l’Université à l’échelle provinciale. Selon le document, à cause de l’échelle salariale des chargés de cours de l’UQAM (qui progresse en corrélation avec le nombre de cours donnés), ces derniers ne rattrapent la moyenne provinciale qu’à compter de leur cent cinquantième cours. Il faudrait donc dix-huit ans à un chargé de cours assurant huit cours par année pour être payé à la hauteur de ses homologues québécois. 
 
Une étude semblable avait été commandée pour le SPUQ en 2009. Les conclusions tirées faisaient aussi état d’un important retard. Le directeur des relations professionnelles de l’UQAM, Marc-André Vigeant, soutient toutefois que la comparaison avec une moyenne salariale demeure complexe chez les chargés de cours, puisqu’elle est influencée par plusieurs variables. «C’est assez dur de parler d‘atteindre la moyenne, car la progression est trop différente. Certaines universités ont des taux uniques. À l’UQAM, la cumulation des cours donnés et le niveau d’études permettent de gravir des échelons salariaux.» En vue des négociations hâtives, les deux parties se disent confiantes. «Les conditions sont gagnantes et la volonté de devancer les procédures signifie beaucoup», insiste Marc-André Vigeant, avant d’ajouter que les négociations pourraient démarrer dans les semaines qui viennent, même si la convention  collective n’échoit qu’en décembre 2011.  
 
Dans les bureaux du SCCUQ, il n’est pas encore question de revendications. «On doit se rencontrer très bientôt, puis élire début février les membres du Comité de préparation», précise Guy Dufresne. Le président n’oublie pas que l’UQAM est sous haute surveillance jusqu’en 2014. Si 180 millions de dettes ont été épongés par le gouvernement en 2008, cette aide reste conditionnelle à un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2013-2014. Mais Guy Dufresne demeure confiant. «Donnons la chance au joueur, lance-t-il en bourrant sa pipe à tabac. De toute façon, en négociation, on commence toujours de bonne humeur!»  
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Salaire minimum d’un chargé de cours détenteur d’une maîtrise (par cours donné) en 2009: 
UQAM : 6 883 $ 
UdM : 7 506 $ 
UQAC : 7 859 $ 
Médiane : 7 582 $ 
Salaire maximum d’un chargé de cours détenteur d’une maîtrise (par cours donné) en 2009: 
UQAM : 8 984 $ 
UdeM : 7 506 $ 
UQAC : 8 664 $ 
Médiane : 8 000 $ 
– Chiffres tirés du Rapport de l’état de la rémunération des chargés de cours de l’UQAM, AON Conseil, février 2010.
Les chargés de cours de l’UQAM ne rattrapent la moyenne salariale de la province qu’à partir de leur cent cinquantième cours, ce qui représente dix-huit ans d’enseignement à raison de huit cours par année. 
– Selon un rapport de la firme AON Conseil, produit en février 2010.

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