Le sport national tombe à l’eau

Hockey subaquatique

Voir les joueurs du Canadien en Speedo? L’idée a de quoi en faire rêver plus d’une. Loin d’une séance photo pour la une de Châtelaine, le hockey subaquatique a plutôt des allures de sport extrême. Saucette avec les adeptes de ce jeu surprenant.

Photo:Frédérique Ménard-Aubin

Coup de sifflet de l’arbitre. Douze nageurs équipés de palmes, de masques de plongée et de tubas se jettent à l’eau, convergeant vers le centre de la piscine à toute vitesse. Vue de la surface, cette nuée d’athlètes aux allures d’hommes-grenouilles est intrigante, voire cocasse. Mais au fond du bassin, une lutte musclée fait rage.

Comme au hockey sur glace, le but du jeu est de garder le contrôle de la rondelle pour la lancer dans le but adverse. Mais en ce vendredi soir, c’est le fond de la piscine Joseph Charbonneau qui devient la surface de jeu. Dans un concert de clapotis, les nageurs se relaient à la surface et replongent presque aussitôt, donnant à la partie des allures de ballet aquatique. «Ce qui fait la force d’un joueur, ce n’est pas de garder son souffle longtemps. C’est plutôt de pouvoir jouer une dizaine de secondes et redescendre après une ou deux bouffées d’air», explique le président du club de hockey subaquatique CAMO, Sébastien Falardeau.

Grâce à des feintes qui ferait blêmir Sydney Crosby, les hockeyeurs, munis de courts bâtons, ont deux périodes de quinze minutes pour mettre la rondelle dans le but adverse. «À la base, c’est un jeu sans contact, mais c’est quand même très physique», assure Sébastien Falardeau. En rigolant, le hockeyeur assure même avoir plusieurs cicatrices pour appuyer ses dires. Puisque les joueurs doivent rester près du fond de la piscine lorsqu’ils se disputent la rondelle, les contacts accidentels sont très fréquents.

Comme son alter ego d’aréna, le hockey subaquatique est parfois éclaboussé par la conduite antisportive, sévèrement punie par les arbitres qui pataugent au milieu des joueurs tout au long de la joute. Leur rôle est crucial, car une mauvaise décision peut changer du tout au tout l’allure du match. Sébastien Falardeau se rappelle avec amertume de la demi-finale du championnat du monde en 2000, où l’expulsion injustifiée d’un joueur par l’arbitre avait coûté le match à l’équipe canadienne. «Ça a créé une controverse, parce que le Canada aurait rencontré l’Australie en finale et que l’arbitre était australien.»

La palme d’or

Si leur sport reste méconnu, les hockeyeurs subaquatiques du club montréalais sont loin d’être les seuls à se jeter à l’eau. Inventé en 1954 par l’Anglais Alan Blake, le jeu sous-marin se pratique maintenant dans plus de trente pays. Des championnats du monde sont même tenus tous les deux ans depuis 1980.  Au nombre des pays qui dominent le sport, Sébastien Falardeau énumère l’Australie, la France et la Nouvelle- Zélande. «Ces derniers temps, la Colombie est aussi dans une montée fulgurante, ajoute l’athlète. Ils ont une bonne relève et leurs joueurs d’élite s’améliorent sans cesse.»

Arborant fièrement le Speedo à l’âge de 59 ans, Alain Lebeau se remémore avec nostalgie son expérience avec l’équipe nationale canadienne de 1986, sacrée championne du monde à Adélaïde, en Australie. «C’était le tournoi des tournois pour les Québécois. On avait vraiment le désir de vaincre. Nous, on n’allait pas là pour une médaille d’argent ou de bronze. C’était l’or ou rien.» Le vétéran se désole par ailleurs que les délégations canadiennes suivantes n’aient pas su faire honneur à la glorieuse délégation. «On regarde aller les jeunes aujourd’hui et ils ne sont pas capables de répéter notre exploit, constate-t-il. Il faut avoir le désir de vaincre, ça doit devenir une priorité pour toute l’équipe.» Le président du club CAMO, Sébastien Falardeau, rappelle toutefois que le pays a obtenu plusieurs bons résultats ces dernières années. «Les hommes ont obtenu quelques médailles de bronze et les femmes ont remporté l’argent deux fois depuis 2000.»

Place à la relève

Depuis quelques années, le hockey subaquatique connaît un véritable essor au pays. Quelques programmes, en Ontario et au Québec, font tremper les athlètes canadiens dans l’original sport d’équipe dès leur plus jeune âge.

Selon Sébastien Falardeau, cet élan de popularité est toutefois mis en échec par un cruel manque de financement. Les athlètes doivent eux-mêmes assumer leurs coûts de déplacement, ce qui les décourage souvent de participer aux tournois internationaux. «Si on avait plus d’argent, on pourrait envoyer de meilleurs effectifs et les joueurs canadiens seraient reconnus à leur juste valeur», soutient-il. Les équipes nationales, dont les joueurs proviennent autant du Québec que de la Colombie-Britannique, manquent souvent de stratégie d’équipe, à défaut de pouvoir s’entraîner ensemble assez souvent.

Joseph Ravoahangy, un étudiant de l’Université de Montréal âgé de 20 ans, est l’un des fiers représentants de la relève québécoise. C’est la curiosité qui l’a fait plonger tête première dans le hockey subaquatique. «J’étais venu voir ma copine jouer et j’ai voulu savoir ce qui se passait sous l’eau. J’ai essayé et je suis tombé amoureux de ce sport.»

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