Portrait de Bernard Landry, professeur à l’ESG
Les sièges du Salon bleu de l’Assemblée nationale sont-ils plus confortables que les chaises des salles de classe de l’UQAM? Cette question, l’ancien premier ministre du Québec Bernard Landry a amplement le temps d’y répondre. Depuis qu’il a quitté la vie politique, en 2003, il se consacre presqu’à plein temps à l’enseignement.
«Audit alteram partem». Ces mots latins, signifiant «laisse parler l’autre partie», lancés par Bernard Landry aux journalistes pendant la campagne électorale de 2003, lui donnaient déjà un air d’érudit. Pas étonnant qu’après avoir quitté l’Assemblée nationale, ses pieds foulent encore une fois l’enceinte d’une université.
Les thèmes abordés dans son cours? La mondialisation, les accords de libre-échange, l’Union européenne, et, bien sûr, le rôle du Québec dans toute cette mouvance économique. Cette année, Bernard Landry donne pour la première fois depuis sa retraite politique un cours sur l’économie du Québec pour le compte de l’École des sciences de la gestion (ESG). «On ne peut pas expliquer la mondialisation sans parler d’enjeux locaux», lance-t-il. Le professeur pense d’ailleurs pouvoir fournir un regard nouveau à ses étudiants. « Ce ne sont pas tous les professeurs qui ont eu la chance de diriger un ministère et d’assister à des congrès de l’Organisation mondiale du commerce», souligne l’ancien chef du gouvernement.
L’enseignement par des politiciens? Les sceptiques pourraient y voir la promotion d’idéologies politiques. «J’enseigne l’économie du Québec, ce ne sont pas des cours de politique». L’ancien chef du Parti québécois ne cache toutefois pas ses allégeances péquistes. «Tout le monde connaît mes idées, je ne les masque pas», reconnaît-il. Il offre même aux étudiants de leur parler d’enjeux d’actualité du Québec et du projet d’indépendance selon certaines conditions bien précises. «Si les étudiants votent à l’unanimité, nous pouvons prendre une heure après le cours pour parler de souveraineté».
Pas d‘économie pour la retraite
Pour Bernard Landry, la retraite n’est pas un long fleuve tranquille. Sourire aux lèvres, il décrit son horaire de la semaine. Cours, conférences, chronique dans un magazine, rencontre avec les journalistes, le professeur de l’ESG est presque aussi occupé qu’un… premier ministre! À tout cela, il faut ajouter les voyages. Parce que Bernard Landry se rend dans plusieurs universités associées à l’UQAM où il dispense quelques cours. Ces escapades l’ont notamment emmené au Mexique, où l’ancien politicien a mis à contribution sa maîtrise de la langue espagnole dans son enseignement.
L’expérience qui l’a le plus marqué? La Chine. «Là-bas, je pouvais vraiment dire qu’on m’apprenait autant que je faisais apprendre», avoue l’ancien premier ministre. «En Chine, j’enseigne en anglais, pas en mandarin», rigole-t-il. L’empire du milieu est un incontournable lorsque l’on désire apprivoiser les rouages de l’univers économique. «Je le conseille à mes étudiants. Si on veut comprendre l’économie moderne, il faut comprendre la Chine». Les voyages ne dépaysent d’ailleurs pas trop le professeur puisque, comme il le dit, «un peu d’international nous éloigne du pays, beaucoup nous y ramène».
La retraite de l’enseignement, Bernard Landry ne la voit pas à l’horizon. «Tant que je serai en forme, je continuerai.» D’autant plus que ce n’était pas la première fois que le politicien partageait son savoir avec des étudiants. De 1986 à 1994, Bernard Landry a quelque peu pris ses distances avec la sphère politique. C’est à cette époque qu’un ami l’a approché pour qu’il vienne enseigner à l’UQAM. «Je ne venais pas du milieu universitaire, je suis plutôt un praticien», explique-t-il sur un ton posé.
Bernard Landry estime tirer plusieurs avantages de l’enseignement. Cela oblige l’ancien politicien, qui fut un temps au sommet de la couverture médiatique quotidienne, à rester informé. «C’est une fonction qui me permet d’être à jour, ça me donne accès à toutes sortes d’informations universitaires.»
Un attachement particulier lie d’ailleurs l’ancien premier ministre à l’UQAM. Les déboires financiers de l’UQAM l’ont «profondément attristé». C’est pourquoi, après avoir quitté l’arène politique, il a décidé, «par devoir», de rejoindre les rangs de l’Université du peuple.
Et lorsqu’on lui demande s’il envisage un retour en politique, Bernard Landry reste nostalgique. «C’est difficile de refaire le passé.» Il garde des regrets du revers subi par le Parti québécois après son départ, aux élections de 2007. «Nous aurions dû être au gouvernement, mais nous sommes passés à la deuxième opposition, derrière l’ADQ». Et le confort des sièges de l’UQAM? L’ancien politicien ne peut pas vraiment comparer. «À l’UQAM, je suis toujours debout et à l’Assemblée nationale j’étais très souvent debout aussi», lance-t-il à la blague.
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