Bats-toi comme une fille

Nostalgique des batailles d’oreillers de votre enfance sur le lit king size de vos parents? Avec ses lutteuses déchaînées, la Pillow Fight League porte les coups de coussins au rang de combats extrêmes. Réservé aux dames, bienvenue aux hommes.

Photo:Pascale Préfontaine

Le bleu-blanc-rouge américain recouvre les murs du Café Campus. Des tapis sont étalés au sol. PFL est indiqué sur des petits bancs qui entourent la zone de combat. Au centre, deux oreillers. Une voix grave s’ajoute à la vieille musique rock et annonce l’entrée des lutteuses: «Welcooooome to the PFL! Let’s meet Eva DEAAAAD!» Une jeune femme sort de l’ombre en courant. Son visage est couvert d’un maquillage verdâtre. Le public hurle son nom. Son adversaire sort à son tour, hystérique. «Girls, you want to fight? Fight like a girl!» crie l’arbitre. The pillow fight league (PFL), consacrée uniquement aux batailles d’oreillers entre femmes, était de passage dans la métropole, le 3 octobre dernier, pour sa tournée canadienne.
Mélange de lutte, d’arts martiaux et d’œstrogène, la PFL compte une vingtaine de compétitrices qui se battent pour le titre de championne du monde. Lors des tournées qui traversent le Canada et les États-Unis, elles s’affrontent seules ou en équipe en se donnant corps et âme pour l’ultime trophée. L’aire de lutte n’est pas délimitée par des cordes, mais plutôt par les buffers, des hommes chargés de garder les adversaires sur le terrain de combat. «Les guerres d’oreillers sont amusantes. Pas de morsures, d’égratignures ou de tirage de cheveux et il est interdit de cacher des objets à l’intérieur des oreillers», dicte le livre des règlements de la PFL. Un arbitre s’assure du bon déroulement de rounds de deux minutes.
L’idée un peu tordue de créer une ligue de batailles d’oreillers a surgi entre les deux oreilles de Stacey P. Case, il y a cinq ans. Le fondateur de la ligue était alors en concert avec son groupe de musique. Le spectacle se terminait par la prestation d’une troupe de danse burlesque se battant avec des oreillers. Mais le côté planifié de cet élément clé du spectacle désintéressait le public. Stacey P. Case eut alors l’idée de faire s’affronter certaines femmes du public, sur scène avec les oreillers, pour vrai. Les premiers coups d’oreillers de la PFL étaient alors donnés.
Entre deux coups d’oreillers
Elles sont maintenant quatre sur le jeu. Un round d’équipe. Deux oreillers pour quatre filles, voilà qui en fait des jalouses. La partenaire patiente nerveusement dans son coin. Au diable les règlements. Le public se lève de sa chaise. Un double combat! L’arbitre tente de faire cesser les femmes, mais il reçoit vite un coup imprévu au visage. Le débit du commentateur s’emballe et il décrit les deux luttes à la fois. Les buffers réussissent finalement à les séparer. Les lutteuses sourient. Elles se sont défoulées et l’auditoire a apprécié.
Charley Davidson est une vieille routière de la ligue, la tête d’affiche du spectacle. La Montréalaise, devenue Torontoise, s’entraîne trois fois par semaine. Elle fait aussi partie du comité de juges qui sélectionne et guide les nouvelles recrues. Pourquoi la femme de 26 ans a-t-elle choisi ce sport insolite? «C’est tout simplement pour laisser sortir la frustration, le mauvais», répond-elle naturellement. Pour elle, il n’y a aucune perversion dans le caractère exclusivement féminin de la ligue: «S’il n’y a que des femmes, c’est seulement parce que nous voulions démontrer qu’elles sont fortes et capables de se battre, elles aussi!» s’exclame Charley Davidson. Pas très loin des féministes qui brandissaient leur soutien-gorge et le brûlaient, les lutteuses brandissent les taies d’oreiller et brûlent des calories.
Aujourd’hui, la ligue basée à Toronto a même un centre d’entraînement spécialisé pour ce sport saugrenu. Pour y accéder, il faut absolument joindre la ligue et passer au travers de plusieurs rounds de sélection. Les aspirantes lutteuses doivent d’abord passer une audition devant les juges du club, remplir un questionnaire pour mieux connaître leur personnalité et s’adonner à un exercice pour voir si elles maîtrisent «la technique de l’oreiller». Ensuite, un combat devant public permet de constater ou non les talents des candidates. Pas besoin d’être de séduisantes danseuses, de superbes tops modèles ou encore de fortes femmes pour s’inscrire. Il suffit d’être âgée de 19 à 34 ans et d’avoir envie de se défouler. Sous leurs noms de lutteuses, les Dinah Mite et autres Apocalipstick s’entraînent assidûment. La PFL rassemble des serveuses, des conseillères en carrière et même des mères de famille autour d’un objectif commun: «Se battre comme une fille!» comme le dit le slogan de la ligue.
Grand ami de Charley Davidson, Michael Racine – Mickey pour les intimes – est buffer depuis plus d’un an. C’est en fait la lutteuse qui l’a convaincu de faire partie de la ligue. «Au départ, je ne voulais même pas assister aux matchs. Le concept me semblait un peu… bizarre. Mais finalement, il faut vraiment le voir pour comprendre! Rien n’est arrangé! Et je ne peux pas garantir qu’il n’y aura pas de sang!» précise le seul francophone de la ligue, sourire en coin.

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