Qu’ils errent dans les ruelles de Vancouver ou sous les viaducs montréalais, les sans-abri canadiens ont un refuge assuré sur la toile. Depuis maintenant sept ans, ils peuvent se rejoindre, s’informer et s’exprimer sur homelessnation.org.
«J’aime dire que c’est une maison virtuelle», lance Éric Denis, alias Roach, en parlant du site internet homelessnation.org, créé par et pour les gens de la rue. Rencontré dans les bureaux d’EyeSteelFilm, la compagnie de production en charge de la page Web, l’ancien squeegee devenu réalisateur explique comment un site Web peut améliorer le sort de gens qui peinent parfois à manger trois fois par jour. «C’est un endroit virtuel où les gens de la rue peuvent se retrouver, explique-t-il. Sur le site, j’ai vu plusieurs itinérants retrouver leurs chums d’infortune perdus dans la brume, un peu comme on retrouve des amis du primaire sur Facebook. Si tu arrives dans une nouvelle ville, tu peux trouver des conseils et des trucs pour savoir où loger, manger et trouver de l’aide. C’est aussi un lieu d’expression: certain écrivent des poèmes, d’autres racontent leur histoire personnelle.»
De squeegee à réalisateur
Tribune virtuelle
Le site compte aujourd’hui 4 657 membres d’un bout à l’autre du pays. «Ils se connectent au site avec les ordinateurs disponibles dans les organismes d’aide aux sans-abri, comme Chez Pop’s ou à la Mission Old Brewery à Montréal», explique le coordonnateur du projet Homeless Nation, Chris Aung-Thwin. Depuis quelques années, plusieurs organismes initient les gens de la rue à la navigation Web. «Emploi, logement, aide sociale: les ressources sont toutes sur Internet désormais», indique-t-il. À partir de 2003, Chris Aung-Thwin et son équipe mettent sur pied des «escouades» munies d’ordinateurs portables pour aller à la rencontre des sans-abri de Montréal, Toronto, St-John’s, Vancouver et Victoria, dans le but de les initier au Web et de leur faire connaître leur site. Ces travailleurs sociaux de l’ère numérique, souvent eux-mêmes issus de la rue, utilisent les réseaux sans-fil public disponibles dans les grandes villes pour se connecter sur la toile.
Quêter son budget
Jusqu’à tout récemment, Homeless Nation était financé par différents organismes gouvernementaux, en tant que projet pilote. Mais après trois ans, les gouvernements n’ont pas renouvelé leurs engagements. Aujourd’hui, Chris Aung-Thwin se consacre presque entièrement à la recherche de financement pour assurer l’avenir du site Web, soutenu par une petite équipe. Faute de budget, il ne reste plus qu’une «escouade» Internet sillonnant les rues de Vancouver pour faire connaître le site et former de nouveaux utilisateurs. Elle devra cesser ses activités si des fonds ne sont pas trouvés rapidement. «Avec aussi peu que 100 000$, on pourrait maintenir des escouades dans deux villes et assurer le fonctionnement du site Web», explique le coordonnateur. Ce dernier espère établir des partenariats avec les organismes déjà actifs auprès des itinérants.
Le projet bénéficie pourtant d’une vaste reconnaissance internationale. Homeless Nation a raflé quatre prix prestigieux depuis sa création, dont le World Summit Award. Ce prix chapeauté par l’ONU récompense l’utilisation novatrice des technologies de l’information pour construire une société plus inclusive. Le site Web canadien l’a emporté sur 20 000 projets issus de 157 pays.
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