Les Ogres débarquent

Les Ogres de Barback en concert au Québec

Les quatre frères et soeurs qui composent la formation les Ogres de Barback sont restés fidèles à la musique et à la famille. Mieux encore, après quinze ans de carrière, les gentils ogres sont devenus des monstres de la chanson française.

Photo : Frédérique Ménard-Audin


Les ogres sont une espèce en voie d’extinction et rare sont ceux qui ont la chance d’en croiser dans la Métropole. Montréal Campus a réussi l’impossible: capturer, le temps d’une entrevue, une famille d’ogres au grand complet. Elle s’était échappée de l’Hexagone pour donner deux spectacles au Québec. Mais rassurez-vous, les Ogres de Barback n’ont de monstrueux que leur parcours musical. Après quinze années d’épopée, dix albums et plus de mille concerts festifs, ces géants de la scène française se sont assagis.

Les concerts survoltés de leurs débuts font maintenant place à des spectacles minimalistes où la plume de Fred Burguière, chanteur et parolier du groupe, trouve une écoute plus vigilante. «Avec cette série de concerts qu’on a débuté en France, on voulait éviter les clichés, explique-t-il. On avait peur de se transformer en animateurs de soirées dansantes. À l’inverse, le cliché du groupe de « chansons à texte », qui s’écoute assis, ne nous plaît pas non plus. On essaie de varier et de surprendre le public.» Une volonté que la formation éclectique a respecté lors de son passage à Montréal et à Québec les 6 et 8 novembre.

Les airs tsiganes sur lesquels les quatre multi-instrumentalistes déposent leurs textes ont encore de quoi délier les hanches des danseurs les plus conservateurs. «On est beaucoup influencés par les airs de voyage, un peu slaves, des groupes français de rock alternatif des années 80, raconte Fred Burguière. La présence de l’accordéon nous plaisait beaucoup. Quelques inspirations nous viennent aussi de nos origines arméniennes.»

Les musiciens remarquent que la teneur du public, bien que composé de milliers d’admirateurs inconditionnels, oscille selon les projets. «Notre tournée française avec le groupe les Hurlements de Léo a attiré beaucoup de jeunes. Mais notre retour aux spectacles assis a rallié les plus vieux. On est à un stade où on attire des fans de tous les âges.»  

L’avis en prose

Les membres des Ogres de Barback, groupe formé en 1994, savaient à peine marcher qu’ils apprenaient déjà à jouer de la musique. «Nous baignons dans la musique depuis toujours. Notre père est pianiste. Des instruments traînaient partout dans la maison, alors on s’en est servis», se rappelle Fred Burguière.

Leurs premiers concerts avaient la rue pour théâtre, puis, à force de voguer de bar en bar, ils ont peu à peu gagné le coeur d’un auditoire croissant. Leurs chansons sont empreintes de souvenirs de voyages, de foire et de rencontres éphémères. Au fil des albums, la nostalgie de la jeunesse a fait place à la chanson engagée. «Une journaliste nous a reproché de servir tous les clichés de chaque engagement sur notre dernier album. Pour nous, c’était une évidence. On a quelques chansons plus légères, mais c’est pas notre créneau, les petites fleurs qui valsent.»

Le contexte politique en France a aussi assombri les espoirs du quatuor. «Il y a tellement de choses qui nous plaisent pas en ce moment. C’est la catastrophe chez nous. L’extrême droite se cache sous une crise bienveillante et chacun regarde dans son assiette. Les gens sont renfermés sur eux-mêmes et c’est de plus en plus dur de se fédérer. Un moment donné, c’est sûr qu’il va y avoir un ras-le-bol et que les gens vont péter les plombs.»

Les mots de révolte des Ogres de Barback ne sont jamais directement adressés à des personnalités publiques, mais plutôt subtilement adoucis par un lyrisme qui leur est propre. «On ne veut pas que nos textes donnent des leçons de morale, explique Mathilde. On préfère partager nos idées. Après, les gens sont bien libres de faire ce qu’ils veulent.» Fred renchérit: «On ne peut pas viser des personnes en particulier, puisqu’on est contre le chef quel qu’il soit. On n’a pas forcément envie de dénoncer. On préfère raconter: c’est l’histoire d’un mec, il est là, seul, paumé. À chacun d’essayer de réfléchir au « pourquoi », mais ce type existe et on a envie d’en parler. Nos histoires sont souvent tristes.»

La famille s’élargit

Après dix disques autoproduits, l’inspiration des Ogres de Barback semble inépuisable. Le 2 novembre dernier, ils ont d’ailleurs rendu disponible un deuxième album familial qui raconte les aventures imaginaires du personnage de Pitt Ocha. Preuve que les musiciens ne ressemblent en rien aux créatures cruelles et hirsutes des contes: plutôt que de dévorer les enfants, ils en ont et leurs dédient des albums.

La famille musicienne a encore été fidèle à son modus operandi: loin des grands studios et des réalisations surfaites. «On travaille dans un confort énorme, observe Fred. Aujourd’hui, on a notre matos chez nous. On s’appelle et on s’envoie des trucs sur Internet. Sur Pitt Ocha, j’ai fait des prises dans mon salon, pénard, pendant que les enfants dormaient.»

Selon l’artiste, la production d’un disque a beaucoup évolué depuis leur première galette. «Il est beaucoup plus facile de faire des albums, mais beaucoup plus difficile de les vendre. Partout dans les grands magasins de disque en France, c’est vraiment la mort.» Malgré cette désertion, les Ogres de Barback enfanteront fort probablement un onzième opus quelque part en 2010. «On se donne un an pour le faire. Ça nous laisse beaucoup de temps pour créer calmement. Il faut s’attendre à un résultat encore très « chanson ».»

Un cinquième ogre, le cadet de la famille, pourrait d’ailleurs se greffer à l’aventure familiale. «Il a très très hâte de faire partie du groupe, raconte Mathilde. Il joue de la batterie et aura sa place. Mais il n’a que 14 ans et doit finir ses études, alors doucement…»

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