Passion nippone

La culture otaku s’assume dans la métropole

Emmanuel Hénault est si passionné d’animation japonaise qu’il prend plaisir à personnifier ses personnages préférés. Rencontre avec un membre de la communauté otaku de Montréal qui a laissé ses costumes au vestiaire.

«Est-ce que je suis accro au cosplay? Oui. J’aime personnifier les personnages excentriques, ça me permet de lâcher mon fou.» Emmanuel Hénault, 28 ans, se considère comme otaku. Véritable référence en la matière, l’amateur consacre parfois jusqu’à vingt heures par semaine à l’animation japonaise. «C’est mon activité principale.»
En Amérique du Nord, le terme «otaku» renvoie simplement aux amateurs d’animation japonaise. Cette année, ils ont été plus de 5 500 principalement âgés de 16 à 25 ans à se déplacer au Palais des congrès du 31 juillet au 2 août pour le festival bilingue Otakuthon. «On aime revoir les choses de notre enfance. C’est rassurant», explique Emmanuel Hénault, qui est aussi le porte-parole francophone de l’événement.

À Montréal, Otakuthon joue le rôle du grand rassembleur, proposant une multitude d’activités aux fans depuis quatre ans. Mascarade, partie d’échecs costumés, panels de discussion et Guerre des clans version otaku attendent les visiteurs du Québec et d’ailleurs. Même les marchands et  les artisans s’y installent pour proposer un large éventail de produits à bons prix: sculptures japonaises, mangas ou dessins, par exemple. «L’important pour Otakuthon, c’est de plaire au public. Le festival existe pour les amateurs, mais aussi pour ceux qui veulent découvrir l’animation japonaise», précise le porte-parole.

Incarner la bande dessinée

La mascarade est l’une des activités les plus populaires d’Otakuthon. «On doit refuser du monde à la porte», s’exclame Emmanuel Hénault. Lui-même passionné de cosplay, il explique cet engouement: «Le cosplay vient de l’anglais costume playing. Il s’agit de se déguiser et de personnifier, en quelque sorte, un personnage d’animation japonaise. Mais je ne me prends pas pour le personnage toute la journée, précise-t-il. C’est principalement pour les présenter dans les festivals ou pour des rencontres costumées.» Les otakus de la métropole se rendent déguisés au Jardin botanique, dans le quartier chinois ou dans des parcs et s’y photographient. Bleach, Naruto, Kingdom Hearts, Ouran School, Link et Final Fantasy prennent donc d’assaut les lieux publics de Montréal et suscitent les interrogations. «C’est notre ingéniosité qui fait qu’on réussit à faire quelque chose de beau avec quelque chose de simple.» Pour Emmanuel Hénault, porter de telles tenues excentriques permet d’être reconnu au sein de la communauté, mais aussi de pouvoir échanger avec les curieux qui le questionnent au sujet de sa passion.

Les otaku se font-ils montrer du doigt? «Les otakus ont toujours été un peu marginalisés. C’est un monde qui a peut-être peur d’être jugé, mais qui s’assume en vieillissant.» L’otaku, également massothérapeute et registraire, partage ses expériences avec ses collègues intéressés. «Je ne me suis jamais senti mis de côté pour ça, principalement parce que mes amis baignent aussi dans le milieu.» En effet, la copine du porte-parole est elle aussi une mordue du cosplay. Ils se rendent ensemble dans les conventions et préparent leurs costumes en duo à leur appartement. «Elle est meilleure que moi», confie-t-il en riant.

Pour les curieux, Otakuthon organise une soirée de financement le 31 octobre, au Holliday Inn du quartier chinois. «Il n’y a pas de thème particulier. Mais c’est certain que tu risques plus de voir du monde déguisé en personnages de jeux vidéo ou d’animation japonaise qu’en simple pirate.» Emmanuel Hénault invite également les curieux à passer dans des boutiques spécialisées, comme le Marché clandestin, situé au centre-ville. «Il y a du choix en animation japonaise pour chacune des tranches d’âge! Des histoires les plus simples, en passant par les plus violentes et les plus osées. Il suffit de ne pas y entrer avec un esprit fermé.»

Le choix est par contre très limité pour les adeptes de la langue de Molière. «On n’a pas beaucoup de trucs doublés ou sous-titrés en français, principalement parce que les compagnies de diffusion en Amérique du Nord sont américaines. Elles se soucient peu du marché francophone au Québec», déplore le porte-parole. Plusieurs amateurs téléchargent illégalement des versions françaises sur le Web. «Avant, tu devais commander les mangas d’Europe. Ou du Japon, si tu sais lire le japonais.»

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