Des bleuets contre le cancer

Richard Béliveau, chercheur à l’UQAM

De l’ail, des épinards, du gingembre et du chocolat noir. C’est la médecine que prône Richard Béliveau, co-auteur du best-seller Les aliments contre le cancer. Le chercheur de l’UQAM tente maintenant de convaincre les Québécois que prévenir, c’est aussi guérir.

 

 
 
Des tournées à travers le Québec, des fans qui lui consacrent un site Web, des demandes d’entrevue qui ne finissent plus: la vie de Richard Béliveau ressemble plus à celle d’une rock star qu’à celle d’un professeur titulaire de biochimie à l’UQAM. C’est son premier livre, Les aliments contre le cancer, coécrit avec Denis Gingras, qui l’a propulsé au rang de vedette scientifique. Trois ans après sa sortie, le bouquin, qui prône les vertus des bleuets, du thé vert et d’autres aliments permettant de prévenir le cancer, s’est écoulé à 230 000 copies au Québec, un succès que personne, pas même son éditeur, n’avait prévu.
Et le succès ne se limite pas qu’à la Belle Province. Dans son bureau situé en plein cœur du Cœur des Sciences de l’UQAM, vêtu du traditionnel sarrau blanc, Richard Béliveau se fait un plaisir de montrer des copies de son ouvrage en coréen, slovène ou finlandais. Au total, vingt-cinq traductions différentes ont vu le jour. «Après plus de deux ans, on est encore dans les best-sellers en Allemagne.» Une consécration populaire qui a vite fait la renommée du professeur. «On est devenus la référence en la matière pour les oncologues du monde entier», se réjouit-il.
Depuis, il multiplie les apparitions médiatiques pour promouvoir une médecine axée sur la prévention du cancer, en plus de lancer ce printemps son troisième livre destiné au grand public, La Santé par le plaisir de bien manger, également écrit en collaboration avec Denis Gingras, chercheur au Laboratoire de médecine moléculaire de l’Hôpital Sainte-Justine.
Richard Béliveau a profité de la popularité de ses livres pour rappeler dans les médias québécois qu’une saine alimentation aide à éviter la chimiothérapie. Excellent communicateur, il est souvent interrogé à titre d’expert et il tient une chronique hebdomadaire dans le Journal de Montréal. Pour lui, sa présence médiatique complète sa mission de professeur. «Je veux faire avancer la connaissance. C’est compatible de mener une carrière de pointe en recherche et d’informer le grand public sur la façon d’utiliser les résultats. Je vise le citoyen ordinaire, et ma chronique me permet un autre niveau de sensibilisation, de toucher des gens qui n’auraient pas nécessairement lu mes livres.»
Ces apparitions publiques s’ajoutent à ses nombreuses autres responsabilités: en plus d’enseigner la biochimie à l’UQAM, il donne des cours de physiologie et de chirurgie à l’Université de Montréal, il est membre du Groupe de thérapie expérimentale du cancer de l’Hôpital général juif de Montréal et il a écrit plus de 230 articles dans des revues médicales.
 
 
Le parent pauvre de la médecine
Malgré sa renommée, Richard Béliveau peine à obtenir des fonds pour ses recherches en médecine préventive. «Le problème, c’est qu’il n’y pas d’intérêt commercial, se désole-t-il. Il n’y a pas des millions de dollars à faire pour dire aux gens de manger plus de légumes ou de faire plus d’exercice.» Une situation qui tranche nettement avec ses autres travaux de recherche, qui portent sur les traitements du cancer. «Je suis capable d’avoir des millions pour des tests de traitement de tumeur; pour les recherches sur la prévention, on touche environ 60 000$ de subvention par année. Travailler en prévention, c’est principalement du bénévolat.»
Ce domaine de recherche pourrait pourtant jouer un rôle important pour diminuer le nombre de cancers: «L’hérédité joue un rôle plus faible qu’on pourrait le croire. En fait, les trois quarts des cancers sont directement liés au mode de vie.» Mais la médecine actuelle reflète à ses yeux la société de consommation qui jette et rachète plutôt que de réparer. «On attend d’être malades pour agir. Mais il n’y a pas de bouton reset à cinquante ans si on est tout croches.»
Et il insiste: pas besoin de voir apparaître les premiers cheveux gris ou les premières livres en trop pour changer certaines habitudes. «Ça commence déjà, même si on est seulement étudiant. L’accident cardio-vasculaire qui va vous terrasser à cinquante ans, il n’arrive pas tout d’un coup; les artères, vous les bouchez déjà.»
Ses méthodes ne visent pas seulement à prévenir les maladies graves, mais aussi à mieux se sentir en vieillissant. Il dispose d’un cobaye convaincant pour le démontrer: lui-même. «Moi, je sens à 56 ans la même vitalité qu’à 20 ans. Il n’y a pas de raison de perdre notre énergie en vieillissant.»
Que compte-t-il faire avec cette vigueur? Élargir la portée de la vision santé de la cuisine, trop souvent confinée aux seuls magazines féminins. «C’est important d’aller chercher les hommes. C’est une approche différente avec les gars, il faut que tu les challenges, que tu les blastes un peu pour qu’ils réagissent. Ça prend aussi des exemples pertinents. Quand je donne une conférence, et que j’ai besoin d’une situation, je vais parler de ce qu’il faut manger en écoutant une partie de hockey ou de football.»
Une approche qui semble porter fruit jusqu’ici. «Je marchais au centre-ville, un jour, quand j’ai entendu crier mon nom. Un ouvrier est sorti du trou où il travaillait, couvert de boue. Il a essuyé sa main sur son costume, et il a serré la mienne. Il avait lu mon livre d’un bout à l’autre, et il tenait à me remercier.»

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