Un an et demi après avoir affirmé que la privatisation d’Hydro-Québec permettrait à la Belle Province d’effacer ses quelque 120 milliards de dollars de dettes, Claude Garcia revient à la charge. L’ancien patron de la compagnie d’assurance Standard Life promet désormais que la dénationalisation du secteur électrique enrichirait les Québécois de 10G$ par an.
L’étude de l’homme de 64 ans, publiée la semaine dernière par l’Institut économique de Montréal, est attrayante. En laissant la libre concurrence faire sa loi, les coûts d’exploitation d’Hydro-Québec diminueraient de 2,1G$ grâce à la bonne gestion du privé, tandis que le gouvernement toucherait des redevances de 6,1G$, comparativement à 1,9G$ actuellement.
Mais cette pluie de billets verts aurait un coût: la hausse des tarifs d’électricité au prix du marché, soit 11,4 cents le kilowattheure, près du double du montant facturé par Hydro-Québec en ce moment. Dans une province où le chauffage électrique est utilisé par la plupart des foyers, cette augmentation ferait un trou important dans le budget de plusieurs consommateurs. Pour les indemniser, Claude Garcia propose d’offrir gratuitement 110 actions d’Hydro-Québec à chaque client résidentiel lors de l’entrée en bourse de la société d’État. Une bien piètre compensation, comme le prouve la crise économique qui sévit actuellement.
La hausse des tarifs a notamment pour but de pousser les Québécois à diminuer leur consommation et à adopter d’autres sources d’énergie, tel le gaz naturel, pour modérer la température de leur demeure en hiver. Hydro-Québec dégagerait ainsi des surplus d’électricité qu’elle pourrait écouler sur le marché américain à des prix encore plus élevés.
Le Québec se trouverait alors dans une situation paradoxale. Même si la province possède la capacité de produire et de vendre de l’électricité à faible coût, sa population devrait faire les frais des fluctuations importantes du prix des produits prétroliers – rappelez-vous du tarif de l’essence cet été. C’est d’autant plus contradictoire que plusieurs pays tentent actuellement de diminuer leur dépendance aux pays exportateurs de pétrole.
Le fétichisme du privé
La proposition de Claude Garcia s’inscrit dans le culte du privé selon lequel l’entreprise gère bien mieux que l’État et que la richesse créée profite à l’ensemble de la population. Le contexte économique actuel pousse pourtant à penser le contraire.
Si des milliers de Canadiens perdent leur emploi, si les cours de la bourse fondent comme neige au soleil, c’est d’abord et avant tout à cause parce que des compagnies ont créé un produit financier à haut risque – le papier commercial adossé à des actifs – qu’elles ont vendu sous des apparences de sécurité et de rendement.
Maintenant que le bateau coule, les présidents d’entreprise, en bons gestionnaires, s’octroient des parachutes dorés de plusieurs centaines de millions de dollars au détriment du bénéfice des actionnaires. De quoi refroidir les ardeurs des adeptes du privé pour quelque temps.
Petit cours d’histoire
En entrevue avec le journal La Presse, Claude Garcia posait une question sans y répondre: pourquoi l’État se mêle-t-il de produire de l’électricité? La réponse se trouve dans les livres d’histoire.
En 1944, après que des citoyens se soient plaints à répétition des tarifs d’électricité trop élevés, le premier ministre de l’époque, Adélard Godbout, exproprie les avoirs énergétiques de la Montreal Light, Heat and Power – une entreprise aux pratiques fiscales douteuses – et en confie la gestion à une nouvelle société d’État: Hydro-Québec.
L’étatisation se complète en 1963, lorsqu’Hydro-Québec, à la demande de Jean Lesage, acquiert les actifs des producteurs et distributeurs privés d’électricité. Vient alors l’expansion sans précédent de la capacité hydroélectrique de la province, qui nécessite des dizaines de milliards de dollars – un investissement dans lequel peu d’entreprises privées se seraient aventurées à l’époque.
Aujourd’hui, est-il nécessaire de le rappeler, Hydro-Québec fait la fierté des Québécois et son expertise unique est sollicitée de par le monde. Après que le gouvernement ait assumé tous les risques financiers reliés au développement de l’hydroélectricité, Claude Garcia aimerait vendre le fleuron du Québec à l’entreprise privée la plus offrante pour «enrichir» les Québécois?! Non merci!
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