Remue-méninges

Des jeux vidéo permettent de se muscler le cerveau

Photo Marie-Dominique Asselin - «Les jeux comme Brain Age ne peuvent pas prévenir la maladie. Par contre, en stimulant davantage le cerveau, ils peuvent ralentir sa progression», explique Dayna Morrow, récréologue à la Société Alzheimer Montréal.

Une nouvelle vague de jeux vidéo promettent aux participants d’augmenter leur quotient intellectuel et de muscler leurs neurones. Les experts demeurent perplexes devant cet entraînement cérébral inédit.

 

Balancer une caisse, lire une partition musicale ou compléter des équations sont quelques unes des épreuves accomplies par les fanatiques de jeux électroniques de logique comme Brain Age. Avec quatre millions de copies distribuées en 2008, le deuxième volet du concept, Brain Age 2: More brain training in minutes a day, figure parmi les jeux vidéos les plus vendus en Amérique du Nord et en Europe. Son concepteur, Nintendo, offre un entraînement complet du cerveau composé de plusieurs tâches impliquant la logique et la mémoire du joueur.

 

À raison de quelques minutes de jeu par jour, Brain Age permettrait d’augmenter le quotient intellectuel et la mémoire du participant. Mieux encore, les baby-boomers vieillissants d’esprit retrouveraient la vivacité de leur jeunesse. Du moins, c’est ce qu’assure Ryuta Kawashima, le neurologue japonais à l’origine du jeu.

Chercheur à l’Hôpital Douglas et neurologue, Stéphane Bastianetto reconnaît qu’une stimulation quotidienne des cellules grises ne peut être que bénéfique. «Il est vrai que le cerveau est un peu comme un muscle. Il est composé de neurones et de synapses dans lesquelles passe un courant électrique. Lorsqu’on exerce son cerveau quotidiennement, le courant, donc la pensée, circule plus vite.»

Un exercice journalier que s’impose Alexandre depuis près de deux ans. «Ces jeux sont divertissant, c’est un défi personnel de les réussir.» Le jeune homme dans la vingtaine croit fermement que les épreuves de mémorisation l’ont aidé lors de son retour récent aux études. «Je suis plus concentré en classe. J’ai aussi plus de coordination et de capacité d’analyse devant les situations et je réagis plus vite. Je me sens mieux, autant sur le plan mental que physique» affirme Alexandre, qui stimule ses neurones lors de son trajet quotidien en transport en commun.

 

Lui-même un fan avide de jeux de mémoire, l’assistant gérant chez GameBuzz, rue Sainte-Catherine, Jeffrey Pierre, perçoit l’influence de ses exercices électroniques sur son quotidien. «Je suis convaincu qu’il y a une petite différence au plan de mon quotient intellectuel, de l’ordre de 1% à 2%. Mais mon expérience a vraiment amélioré ma mémoire à court terme.» 

 

Le chercheur Stéphane Bastianetto met toutefois un bémol à ces affirmations quasi-miraculeuses. Selon lui, les effets de ces jeux électroniques sont limités et ne s’adressent qu’à un public bien particulier. «Stimuler ses neurones permet de prévenir plusieurs maladies neurologiques. Toutefois, ces effets ne se font sentir que chez les patients dans la cinquantaine.»

 

Malgré tout, l’engouement pour les jeux de mémoire en tout genre ne connaît pas d’âge. Selon Jeffrey Pierre, près d’un client sur cinq franchi les portes de son magasin à la recherche de divertissements tels que Brain Age, Big Brain Academy, Neves, ou encore Ninja Reflex. «Brain Age compte parmi les quinze jeux les plus demandés. Dans la dernière année, nous en avons vendu près de 800 copies.»

Le vendeur soutient d’ailleurs que les personnes à la recherche de ces épreuves intellectuelles ne sont pas les habituels fanatiques de jeux vidéo. «Ce ne sont pas des gamers, mais plutôt des gens ordinaires. La plupart ont déjà essayé d’autres divertissements de la sorte et ils sont à la recherche d’autres défis pour se stimuler.»

Prévenir l’alzheimer?
Les jeux vidéos peuvent être une belle façon de rapprocher les quinquagénaires de leurs petits-enfants. Mais se parer contre l’alzheimer en appuyant sur des boutons est une illusion, selon les professionnels.

«Les jeux comme Brain Age ne peuvent pas prévenir la maladie. Par contre, en stimulant davantage le cerveau, ils peuvent ralentir sa progression», explique Dayna Morrow, récréologue à la Société Alzheimer Montréal.

 

À condition que les différentes épreuves soient bien pensées, ajoute Stéphane Bastianetto. «Il n’y a pas seulement l’aspect ludique qui est important. Le jeu doit être construit afin de stimuler les parties du cerveau qui vivront une dégénérescence avec l’âge, par exemple des épreuves stimulant la mémoire à court terme.»

  
Dayna Morrow croit également que l’aspect technologique de ces jeux vidéos peuvent  rebuter les joueurs du troisième âge. «La plupart de mes patients n’ont jamais vu une console Nintendo. Pour les baby-boomers, ce sera sûrement différent puisqu’ils voient leurs enfants évoluer avec les jeux électroniques.»

 

Dépoussiérer sa matière grise a un prix. En moyenne, une console de jeux NintendoDS se vend environ 130 dollars et il en coûte ensuite près de 20$ par cassette. «Plusieurs autres activités plus simples et beaucoup moins onéreuses permettent de stimuler notre mémoire, rappelle Stéphane Bastianetto. Jouer au bingo, prendre une marche, faire des mots croisés ou lire; toutes ces activités stimulent les capacités intellectuelles.»

 

Le chercheur demeure critique quant aux promesses faites aux joueurs par Nintendo. «Avec notre population vieillissante, il est clair que Nintendo cherche d’abord à attirer une nouvelle tranche de consommateurs», conclut le neurologiste.
 

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