Ni homme, ni femme

Photo Mathieu Dubois - Une étudiante s'informe au local de Queer McGill.

 

Les genres sont néfastes à la vie en société et sont une construction de notre culture. Voilà ce que croit le mouvement queer, des anarchistes prônant l’abolition de toute barrière sexuelle érigée par la société.

Rebecca Dooley préfère qu’on l’appelle «R» ou Dooley. Son prénom lui rappelle trop souvent qu’on lui a imposé d’être une femme. Avec ses cheveux courts bouclés, son visage rond et ses traits féminins, rien ne laisse présager que la native de Cranford, dans l’État du New Jersey, refuse d’adopter un genre sexuel qu’elle qualifie de normatif. «À 16 ans, je croyais être lesbienne. Autour de 18 ans, j’ai découvert le mouvement queer et j’ai commencé à me considérer comme tel. Ça m’a poussée à me poser d’importantes questions et à reconstruire mon identité», confie Dooley, étudiante à l’Université McGill et coordonnatrice politique des activités de Queer McGill.

 
Être queer, c’est se définir à l’extérieur de ce que la société a délimité pour le genre et la sexualité, explique Dooley. Le mouvement dénonce l’aspect binaire des genres et de l’identité sexuelle, ce qui amène certains d’entre eux à refuser tout déterminisme biologique. Dooley, par exemple, ne se considère ni comme une femme, ni comme un homme. «Mon genre est très fluide. Je m’identifie à une certaine idée de féminité, mais pas nécessairement à une femme. Le genre est une notion culturellement construite. Le fait d’être une femme n’est basé sur aucune vérité», raconte Dooley.

Certains queers, certains sont un peu plus modérés que Dooley. «Je ne suis pas seul à ressentir un malaise en me qualifiant de queer. J’adhère au principe et à la pensée du mouvement. Néanmoins, se considérer comme tel, c’est paradoxal parce que ça crée une nouvelle catégorie sociale alors que nous n’en voulons pas», explique Queen Kong, membre du défunt groupe queer Les panthères roses, qui a préféré recourir à un pseudonyme pour rendre son activisme plus loufoque et théâtral. «L’anarcho-sexuel» croit à un certain déterminisme biologique, mais qui serait exacerbé par la culture. Dès l’enfance, les hommes deviendraient donc de plus en plus masculins et les femmes, de plus en plus féminines.

Le mouvement queer est également lié à l’anarchisme et au féminisme. «L’anarchisme revendique une planète avec moins de frontières entre les peuples en visant les pouvoirs politique et économique. Le mouvement queer veut également moins de frontières, mais il s’attaque plutôt aux structures et aux hiérarchies du genre et de la sexualité, analyse Queen Kong. Le féminisme est l’allié naturel des queers puisque les deux s’attaquent au patriarcat et aux inégalités entre les sexes», ajoute-t-il.

Comme être queer peut être à la fois une identité sexuelle et une idéologie, il est difficile de dénombrer les adeptes du mouvement. Les radicaux, comme Dooley, construisent leur identité à partir du mouvement queer, alors que les plus modérés, comme Queen Kong, voient le mouvement comme un activisme ludique qui sert à faire prendre conscience de l’aspect néfaste des catégories sexuelles.

Un genre d’exclusion
Ceux qui ne se définissent ni au féminin ni au masculin se sentent exclus et ostracisés. C’est le principal problème du système binaire des genres selon les queers.

Queer McGill a lancé un débat pour la reconnaissance des individus n’appartenant pas aux genres traditionnels. «On discute de la possibilité de rendre les toilettes unisexes parce qu’elles sont aliénantes pour les queers», explique Dooley. Les queers de McGill voudraient également éliminer le biais dans les formulaires d’inscription de l’université en supprimant toute référence au genre. Queen Kong considère toutefois que certains lieux non mixtes, comme les centres pour femmes victimes de sexisme ou de violence conjugale, ont encore toute leur pertinence.

La théorie queer n’est pas très accessible en raison de son cadre d’analyse universitaire et de sa propension à l’élitisme. Certains auteurs comme Michel Foucault et Judith Butler ont une pensée très dense, selon Queen Kong. «Même dans la communauté queer, certains ont tendance à se masturber intellectuellement. On ne peut pas espérer que l’idée se propage si elle est complexe. Ça ne sert à rien de continuer à militer si on ne vulgarise pas notre pensée», croit-il. C’est pourquoi il rêve un jour d’écrire un livre expliquant la théorie queer et la construction des genres… aux enfants!

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