Tourne la page

Après deux recteurs, deux plans de redressement, deux grèves étudiantes et près de deux ans d’attente, Québec sort finalement son chéquier pour effacer la dette engendrée par la construction du Complexe des sciences et de l’îlot Voyageur. Au total, le gouvernement alignera – sans préciser quand et comment – 445 millions de dollars sur la table pour extirper l’UQAM du gouffre.

En conférence de presse, la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sports, Michèle Courchesne, et le recteur de l’Université, Claude Corbo, étaient visiblement soulagés d’en finir avec un long calvaire. Ils ont martelé à plusieurs reprises – un peu comme René et Nathalie Simard dans leur mauvais hit des années 1980 – que le temps est venu de «tourner la page» et de penser au futur.

Les prochaines années de l’Université du peuple s’annoncent un peu moins grises. L’argent de Québec lui permettra d’éviter la faillite – sans aide gouvernementale, la dette engendrée par le Complexe des sciences et l’îlot Voyageur aurait atteint le demi-milliard de dollars en 2012 – et de se concentrer sur sa mission d’enseignement.

Mais le chèque de Québec n’est pas gratuit. Pour l’obtenir, le conseil d’administration (CA) de l’UQAM s’est engagé à atteindre l’équilibre budgétaire d’ici 2013-2014. Concrètement, cela correspond à des compressions budgétaires de 15M$ sur six ans. Ces réductions s’ajouteront à celles du plan de redressement qui privent déjà la communauté uqamienne de 30M$ par année.

Où l’administration trouvera-t-elle ces sommes? En sabrant dans les masses salariales – les conventions collectives de trois des quatre syndicats de l’UQAM sont à négocier – et en privatisant les services alimentaires, comme le suggère la firme comptable PricewaterhouseCoopers dans son analyse du plan de redressement de l’Université? Les réponses à ces questions se trouveront dans le plan stratégique de développement 2009-2014 que le CA remettra à la ministre Courchesne le 31 mai 2009.

Retour à la case départ

L’UQAM a tourné au neutre pendant deux ans dans l’attente d’une aide gouvernementale. Maintenant que l’argent a été promis, l’Université peut embrayer en première pour réfléchir à des problèmes qui datent… de 2006!

À l’époque, l’Université pensait pouvoir régler ses problèmes d’espace et engendrer des revenus supplémentaires – en louant des bureaux – grâce au nouveau Complexe des sciences et à la construction de l’îlot Voyageur. Aujourd’hui, seuls les locaux du premier sont disponibles, l’îlot Voyageur sera vendu par le gouvernement, et les deux projets immobiliers ont coûté davantage à l’UQAM que tout ce qu’ils ne pourront jamais rapporter.

De retour à la case départ, mais avec moins d’argent dans ses poches, l’Université doit trouver de nouvelles solutions économes à ses vieux problèmes. Pour régler le manque de locaux, Claude Corbo veut «mieux utiliser l’espace déjà disponible». La direction envisage d’ailleurs l’ajout d’une quatrième plage horaire. Cette possibilité ne plaît ni aux associations étudiantes, qui craignent une baisse de participation à la vie étudiante, ni aux couche-tard, qui souhaitent tout sauf commencer leurs cours à 8h30.

Augmenter les revenus sera encore plus difficile. Le recteur veut renégocier les règles de financement du ministère de l’Éducation qui défavorisent l’UQAM. Pour obtenir gain de cause, Claude Corbo cherchera l’appui des autres universités québécoises. Mais comme une hausse des subventions de l’UQAM passe nécessairement par une diminution de celles des autres universités, les volontaires seront peu nombreux. Sans oublier que les recteurs du Québec ne digèreront pas de sitôt l’octroi de 445 M$ à l’UQAM.

Non, même si l’UQAM tourne la page, les conséquences du fiasco immobilier resteront jusqu’à la fin du roman.

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