Du Ritalin pour papa

Photo Mathieu Dubois - Des adultes atteints d'un TDAH sont parfois réticents à prendre des médicaments neurotransmetteurs comme le Ritalin. Malgré les nombreuses controverses, la prescription de ce type de médicaments fait généralement consensus dans la communauté médicale canadienne.

 

De plus en plus d’adultes reçoivent un diagnostic de trouble de l’attention et se font prescrire des médicaments comme le Ritalin. Une pilule qui n’est pas toujours facile à avaler, mais qui explique bien des choses pour ces adultes qui ont appris à vivre avec leur maladie.

Certains pensent que ça ne touche que les enfants. D’autres confondent les symptômes avec des problèmes comme la dépression ou l’anxiété. Pourtant, le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) affecte également les adultes.

Daniel Létourneau l’a appris à ses dépens, il y a 12 ans. «J’ai tendance à dire tout haut tout ce que je pense. J’en ai souvent payé le prix, car ça a fait du mal aux personnes qui ne savent pas que j’ai ce problème», raconte-t-il. Alors qu’il consultait un médecin pour le déficit d’attention de son fils, il a compris ce qui clochait chez lui. «Je parlais avec le médecin et je lui ai demandé s’il parlait de moi ou de mon fils! Tout ce qu’il disait sur mon garçon, ça me touchait aussi.» Il avait alors 46 ans.

Si le diagnostic a été une source de réponses aux questions de Daniel, la nouvelle a toutefois été difficile à accepter, du moins au départ. «Au début, j’ai compris pourquoi ma vie avait été difficile, et ensuite, j’ai connu une phase de rage, car je me demandais pourquoi il n’y avait eu personne pour m’aider. Plus tard, j’ai compris que c’est parce que ce n’était pas connu», se rappelle-t-il.

Les symptômes des enfants aux prises avec un TDAH sont généralement bien connus: incapacité à rester en place, difficulté à écouter en classe, impulsivité. Chez les adultes, ils se manifestent plus discrètement et plusieurs personnes apprennent à les apprivoiser. «Les adultes TDAH, surtout ceux qui ne sont pas médicamentés, ont de la difficulté à payer leurs factures à temps, à gérer leur horaire et ils oublient des rendez-vous, affirme Lyne Guillemette, directrice générale de la section Capitale Nationale de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA). Ils s’engagent difficilement dans des relations amoureuses à long terme et sont aussi plus susceptibles de perdre leur emploi.» Une affirmation confirmée par l’impressionnant curriculum vitae de Daniel Létourneau: il a occupé pas moins d’une douzaine de postes en 35 ans.

L’idée que les symptômes du TDAH s’atténuent en vieillissant pour pratiquement disparaître à l’âge adulte est très répandue. Il s’agit cependant d’un mythe, selon la psychiatre Annick Vincent. «La bougeotte physique est remplacée par la bougeotte des idées. On ne le voit pas, mais c’est beaucoup plus handicapant pour la personne atteinte. En plus, ça reste avec l’âge», explique l’auteure du livre Mon cerveau a ENCORE besoin de lunettes, un ouvrage consacré aux TDAH adultes.

Diagnostiquer un enfant s’avère relativement simple, puisque c’est souvent l’école qui suggère au parent d’aller consulter un médecin quand le professeur croit percevoir les symptômes d’un TDAH. «Mais l’adulte se présente de lui-même, explique le docteur Vincent. Les circonstances sont différentes: ils peuvent apprendre que ça existe dans un article de journal, ou se reconnaître dans leur enfant atteint».

Réticence aux médicaments
Bien des adultes sont ainsi introduits aux psychostimulants, comme le Ritalin. «Des études ont permis d’observer que le cerveau des gens atteints de TDAH ne fonctionne pas comme chez l’individu typique, explique Hélène Poissant, professeure en psychologie cognitive à l’UQAM. Le médicament va stimuler la dopamine, un neurotransmetteur manquant chez ces individus», leur permettant ainsi d’être plus attentif sur une chose et de ne pas se laisser distraire par des stimuli externes. Contrairement à la croyance populaire, ces médicaments ne sont pas des calmants, mais bien des stimulants. «Il y a 50 ans, le Ritalin était utilisé sur des soldats pour augmenter leur concentration», note la professeure.

Daniel Létourneau se souvient avoir été réticent à prendre la médication lorsqu’il a reçu sa prescription. «Au début, je n’étais pas sûr de voir la différence. Mais un ami psychologue m’a convaincu en me disant que les épreuves de la vie sont comme des examens. Si la médication te fait passer d’un 58% à un 61%, c’est utile. Puisque j’avais l’impression d’avoir raté ma vie, c’était une assez bonne raison de prendre les médicaments.»

«Par contre, la pilule ne règle pas tout, ça prend aussi un encadrement», prévient Lyne Guillemette. Son organisme fournit une grande variété de petits trucs aux adultes atteints d’un TDAH. Tenir un agenda, faire des listes ou se laisser des mémos sont autant de moyens de contenir les effets indésirables de ce trouble.

Malgré les nombreuses controverses, la prescription de médicaments pour traiter le TDAH fait généralement consensus dans la communauté médicale canadienne. La Canadian Attention-Deficit Hyperactivity Disorder Ressource Alliance publie d’ailleurs un guide de pratiques fréquemment mis à jour pour s’adapter aux nouveaux traitements disponibles. On retrouve aujourd’hui sur le marché une grande diversité de médicaments. «Les options sont beaucoup plus larges qu’il y a 10 ans», affirme Annick Vincent. Par exemple, si un patient réagit mal à un médicament à courte action, il peut passer à un produit à longue durée (12 heures), dont les effets sont moins intenses et mieux répartis. Un médicament sous forme de timbre, le Daytrena, légal aux États-Unis, devrait même être mis sur le marché bientôt au Canada. «Cette méthode agit toute la journée et permet de choisir à quelle heure on veut terminer le traitement.»

Il n’existe aucune statistique sur le nombre d’adultes atteint de TDAH au Canada. Cependant, une étude américaine a établi que 4,7% des adultes auraient un trouble de l’attention. De ce nombre, une fraction seulement est au courant qu’elle a ce problème, et une plus petite quantité encore est traitée. «Le nombre de prescriptions chez les adultes va monter en flèche d’ici 10 ans, estime Annick Vincent. Pas parce qu’on va en prescrire à tout le monde, mais parce que de plus en plus de gens vont se rendre compte qu’ils ont un TDAH.»

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