Intégration des étudiants handicapés à l’UQAM
Les défis du quotidien sont nombreux pour ceux qui se déplacent à l’aide d’une canne, d’un chien-guide ou d’un fauteuil roulant. Malgré l’adaptation graduelle des installations, beaucoup de travail reste à faire sur les mentalités.
La clientèle handicapée de l’UQAM a plus que doublé au cours des cinq dernières années. En 2007-2008, 275 étudiants ayant une déficience ont fréquenté l’Université. Cette clientèle doit cependant vivre au quotidien dans un campus inadapté à leurs besoins. Des actes aussi banals qu’aller à la salle de bain, se rendre à son cours ou prendre des notes se transforment en défis de taille pour ces personnes.
«Dans le pavillon Hubert-Aquin, où sont la plupart de mes cours, les fontaines sont trop hautes pour que je puisse y boire, raconte Émilie Boissel, une étudiante en droit qui roule son fauteuil depuis deux ans à l’UQAM. Je ne peux pas prendre l’ascenseur seule, car les boutons sont trop hauts ou trop durs à peser.» Même si la jeune femme atteinte de dystrophie musculaire constate les efforts de l’UQAM pour rendre le campus accessible aux étudiants handicapés, elle se butte constamment à des obstacles inutiles.
Certaines installations semblent adaptées, fait remarquer Émilie, mais ne le sont pas réellement. «Parfois, ce n’est pas bien pensé. Dans les toilettes pour handicapés, la barre d’appui est souvent mal placée et je ne peux pas l’utiliser.» Les portes de ces cabinets ne sont d’ailleurs pas toujours automatisées. Émilie doit alors vaincre sa gêne et demander à quelqu’un de l’aider.
Surfer à l’aveugle
Contrairement à Émilie, Martin Morin, étudiant au baccalauréat en travail social, n’est pas seul pour affronter les désagréments de son handicap. Atteint d’une déficience visuelle, il peut compter sur son chien Nietzsche pour le guider dans les pavillons labyrinthiques de l’Université. Son compagnon ne peut cependant pas l’aider dans toutes les situations. «Certains ascenseurs ont des indications en braille, mais pas de reconnaissance vocale, explique Martin Morin. Lorsqu’ils s’arrêtent, je ne peux pas savoir à quel étage je me trouve.» L’étudiant doit alors demander à ceux qui l’accompagnent à quel niveau il est. S’il n’y a personne, il crie dans le couloir lorsque la porte s’ouvre en espérant que quelqu’un lui réponde.
Les problèmes de déplacement ne sont pas les seuls auxquels se butte Martin Morin. L’omniprésence d’Internet dans les cours lui apporte aussi de nombreux ennuis.
La plateforme Moodle, par laquelle les professeurs et les étudiants s’échangent des documents, n’est pas reconnue par les logiciels de revue d’écran utilisés par les aveugles. «On n’a tout simplement pas accès au bouton pour télécharger les notes», s’indigne Martin Morin. Le site de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines, dont il est membre, ne lui est également pas accessible pour la même raison.
Le Service d’intégration des étudiants handicapés de l’UQAM (SIEH) est conscient des lacunes de la plateforme Moodle. «Nous avons rencontré le comité qui gère la plateforme. Il travaille actuellement sur le problème», affirme Gilles Ouellet, conseiller au SIEH, lui-même atteint d’une déficience visuelle.
Intégrer les mentalités
Trente ans après l’adoption de la Loi 9, par laquelle Québec garantit le respect des droits des personnes handicapées, beaucoup de travail reste à accomplir pour assurer la pleine intégration des étudiants atteints d’une déficience.
Si les installations sont adaptées graduellement, les mentalités, elles, évoluent peu. Les personnes qui fréquentent l’UQAM ignorent souvent comment agir face aux incapacités des handicapés. «Les gens ont peur de m’insulter s’ils m’aident, déplore Émilie Boissel. Lorsque j’échappe mon crayon et que je suis incapable de le reprendre, certaines personnes passent et ne se retournent même pas.» La jeune femme préfèrerait que ses collègues l’approchent d’eux-mêmes plutôt que de quémander leur aide.
Josée Pineault, une autre étudiante de l’UQAM atteinte de déficience visuelle, critique le comportement de ses camarades de classe, surtout pendant la débandade qui suit la fin des cours. «Les gens foncent dans ma canne! Ils bloquent les rampes d’accès! C’est une question de civisme.»
Pour le conseiller Gilles Ouellet, la sensibilisation est importante pour faire comprendre la réalité des étudiants handicapés à la communauté uqamienne. «L’attitude y est pour beaucoup», croit-t-il. Selon lui, un étudiant qui présente sa déficience au professeur et à ses camarades de classe au début de la session a toutes les chances d’obtenir la considération méritée.
Pour encourager les étudiants dans cette démarche, le SIEH offre une panoplie de services. Il fournit des lettres à donner aux professeurs pour indiquer les accommodements nécessaires, il aide les étudiants à trouver un preneur de note et va même jusqu’à changer les locaux des cours lorsque ceux-ci ne sont pas accessibles.
L’UQAM a la cote
Malgré les quelques manquements de l’institution, le conseiller est fier de dire que l’UQAM fait de nombreux jaloux au sein du réseau universitaire quant à l’intégration des handicapés. Elle est d’ailleurs l’université francophone qui accueille le plus d’étudiants ayant une déficience au Québec. Cela a motivé l’Université à porter une attention particulière à la question lors de la construction du Complexe des sciences. L’organisme sans but lucratif Kéroul, qui évalue l’accessibilité des installations pour les personnes handicapées, a d’ailleurs donné la cote «adaptée» aux nouvelles résidences de la rue Saint-Urbain.
La progression de cette clientèle amène l’UQAM à développer de nouveaux projets pour favoriser leur adaptation. L’accès à la station de métro Berri-UQAM via le pavillon de Musique est l’un des projets sur lequel travaille l’institution, en collaboration avec la Société des transports de Montréal. Cependant, comme le rappelle Gilles Ouellet, ce n’est pas le manque de volonté qui retarde l’adaptation des installations, mais bien un éternel problème de coût.
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