Une tragédie… et après?

Après 33 fusillades en 20 ans dans les écoles d’Amérique du Nord, les universités de Montréal et McGill travaillent à l’élaboration d’un plan d’intervention psychologique d’urgence pour encadrer le retour sur les bancs d’école après une tuerie.

«C’est le genre de chose qui arrive juste dans les films, commente Virgiliu Sorin Moroianu, un étudiant présent au collège Dawson le 13 septembre 2006, jour de la fusillade. Quand ça arrive pour vrai, personne ne sait comment réagir.» Denise Roy, chercheuse au Centre de recherche Fernand-Séguin de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine et coordonnatrice d’une vaste étude visant à élaborer un plan des étapes à suivre pour un retour en classe après un drame, apporte une nuance. «Lorsqu’a eu lieu la tragédie, les policiers et les ambulanciers savaient quoi faire, mais pas les psychologues.» Une équipe de chercheurs des universités de Montréal et McGill travaille présentement sur ce plan d’intervention psychologique d’urgence. Des psychiatres, psychologues, sociologues, épidémiologues, statisticiens, ainsi que des spécialistes du choc post-traumatique et du suicide participent au projet dont les résultats seront présentés lors de plusieurs colloques au Québec et à New York en juin, ce qui constituera une première mondiale. Alors que des professeurs d’un district scolaire au Texas auront bientôt le droit de porter une arme à feu pour protéger leurs classes, les actes violents en milieu scolaire deviennent une grande préoccupation dans l’opinion publique américaine.

Photo Julien Houde - Une équipe de chercheurs montréalais travaille à l'élaboration d'un plan d'action qui vise à mettre fin à l'improvisation psychologique en cas de fusillade. Les faits saillants de l'enquête préliminaire seront dévoilés en octobre.

En avril 2007, après la tuerie à l’université Virginia Tech qui a fait 33 morts, les intervenants en santé mentale américains ont appelé au collège montréalais afin de savoir comment l’établissement s’y était pris après la fusillade pour reprendre une vie normale. «Cet appel nous a conforté dans l’idée qu’il était important d’utiliser notre expérience au profit de futures victimes, d’apprendre de ce qui a été fait ici», commente Denise Roy. Aucun plan d’action écrit n’existe pour faire face à la détresse psychologique en pareilles circonstances et les plans improvisés sur le terrain dans les autres cas d’actes violents n’ont jamais été évalués. Selon Virgiliu Sorin Moroianu, le soutien apporté aux étudiants après la fusillade a tout de même été adéquat. La direction de Dawson, initiatrice du projet de recherche, a de son côté admis avoir commis des erreurs dans sa gestion de la crise.

Finie l’improvisation
L’enquête a débuté au printemps dernier par la soumission d’un questionnaire aux étudiants et aux employés ayant vécu l’événement du 13 septembre 2006, afin de faire le bilan de ses effets sur leurs vies. Les questions concernaient leurs humeurs, peurs ou phobies dans les 18 mois suivant la fusillade. Alors qu’ils attendaient 2 000 réponses, les chercheurs ont dû se contenter de 1 107 questionnaires remplis. L’équipe collige présentement les données pour en faire ressortir les faits saillants qui seront ensuite révélés lors d’une conférence de presse prévue au mois d’octobre.

La recherche consiste à récapituler l’ensemble des interventions psychologiques ayant été faites tant dans la semaine que dans l’année suivant la fusillade qui a enlevé la vie à Anastasia De Sousa. Des entrevues avec les intervenants du milieu de la santé impliqués permettent de réaliser cette étape. Ce plan sera ensuite analysé et amélioré par les chercheurs, et finalement soumis à des experts en gestion de crise pour le bonifier.

Selon le spécialiste et associé principal à la firme de conseillers en sécurité Chartrand, Fortin et Labelle Solutions Inc. Serge Barbeau, l’idée de ce plan est très pertinente, mais encore faut-il qu’elle se greffe à un modèle de gestion de crise beaucoup plus large. «Il faut réfléchir à l’harmonisation de tous les types d’interventions sur le terrain, qu’elles soient physiques ou psychologiques. S’il arrivait une crise demain, un tel plan ne serait probablement pas mis en œuvre de manière propice.» Les policiers ont en effet de leur côté un plan d’intervention d’urgence, mais selon Denise Roy, il y manque un volet psychologique.

Une fois terminé, le plan sera diffusé sur le site Web du Collège Dawson et du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. «Le but est qu’il soit le plus disponible possible: dans les hôpitaux, les centres de santé, les ministères, explique Denis Roy. La détresse psychologique est quelque chose d’assez universel. Le plan aurait pu, par exemple, servir lors de la tragédie à Bathurst quand des jeunes sont morts dans un accident d’autobus.»

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