La mère poule

L’Université du Québec (UQ) a décerné cet été un doctorat honoris causa à l’un de ses fondateurs, Pierre Martin. En plein coeur de la Révolution tranquille, après avoir contribué à la mise sur pied des cégeps, il a rédigé la Loi 88 – adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1968 – qui a doté le Québec d’un réseau universitaire public.

Dans son discours de remerciement, Pierre Martin a affirmé – à juste titre – que son rôle dans la création de l’UQ est «la contribution la plus importante qu’il [lui a] été donné de faire au cours de [sa] carrière». Il faut dire que l’UQ a ouvert les portes de l’enseignement universitaire francophone à des personnes pour qui elles avaient toujours été closes. Depuis sa fondation, elle a remis plus de 450 000 diplômes, dont 57,4% à des femmes, et a fondé neuf constituantes, dont l’UQAM, qui desservent l’ensemble du territoire québécois.

Or, à la veille de ses 40 ans, la créature de Pierre Martin commence à devenir mère poule. Même si ses rejetons sont âgés de 25 à 40 ans, l’UQ garde un oeil vigilant sur leurs activités et exige des comptes-rendus budgétaires réguliers. À l’exception de l’UQAM, qui bénéficie d’un statut particulier, les établissements de l’UQ ne peuvent ni choisir leur recteur, ni décerner leurs propres diplômes et surtout pas transiger directement avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).

Fatigués de cette reddition de comptes, six établissements d’enseignement remettent en cause, à mots plus ou moins couverts, le cadre juridique, l’organisation et le fonctionnement de l’UQ. L’École nationale d’institution publique, l’Institut national de recherche scientifique, l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université du Québec en Outaouais, l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’UQAM aimeraient être davantage – voire entièrement – autonomes vis-à-vis de l’UQ.

 

Bureaucratie ronflante

Les critiques à l’égard du réseau universitaire québécois ne sont pas nouvelles. En 1986, le rapport du Groupe de travail sur la révision des fonctions et des organisations gouvernementales établissait déjà que l’UQ n’était qu’une instance en trop. «Cette structure organisationnelle a été utile pour la mise sur pied des différentes constituantes. Maintenant qu’elles sont solidement établies, elles devraient devenir complètement autonomes et le siège social devrait être aboli.»

L’UQ était une entité dynamique et essentielle en 1968, mais sa mission n’a pas évolué depuis et l’organisation est aujourd’hui enracinée dans une bureaucratie ronflante. Mandater une firme comptable d’analyser le travail d’une autre firme comptable mandatée par l’UQAM d’analyser son plan de redressement financier, comme elle l’a fait l’automne dernier, était plutôt futile. Un dédoublement ridicule et coûteux effectué aux frais des contribuables.

La mère poule a maintenant besoin d’un sérieux coup de barre et le recteur de l’UQAM s’apprête à frapper le premier. Claude Corbo ne vise rien de moins que la tête de l’UQ. Il propose de transformer le réseau universitaire en une association d’universités dont le rôle serait de promouvoir le «label» de l’UQ, sans toutefois avoir aucun pouvoir sur ses membres.

Cette transformation extrême ferait de l’UQ une vraie bonne maman, celle qui rassemble la famille, qui parle de ses enfants avec fierté, sans s’immiscer dans leur vie privée. Mais les décisions familiales ne se prennent jamais seules. L’UQ ne changera pas d’un poil tant que papa gouvernement ne donnera pas son aval. Et pour l’instant, il semble plutôt récalcitrant.

Marc-André Sabourin
uqam.campus@uqam.ca

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