Des étudiants unissent leurs destinées pour obtenir de l’aide financière
Pauvres et sans soutien de la part du gouvernement, certains étudiants choisissent de se marier afin d’obtenir davantage de prêts et bourses. Montréal Campus a rencontré des universitaires qui ont fait le grand saut et qui vécurent heureux et eurent beaucoup d’argent.
Maxime*, 26 ans, ne pensait pas se passer la corde au cou si tôt. Un mois avant la rentrée scolaire 2006, l’Aide financière aux études (AFE) lui annonce que ses bourses passeront de 4 000 à 1 000 dollars par année puisque son père, avec qui il n’a pourtant plus de contacts, a gagné le double de son salaire habituel. Sur un coup de tête, son copain depuis six mois, Bruno, lui propose de l’épouser afin de pouvoir réclamer davantage de prêts et bourses.
Si la solution proposée par Bruno semble surprenante, elle peut cependant s’avérer efficace. En vertu de la Loi sur l’aide financière aux études, le montant alloué à un étudiant varie en fonction du revenu de ses parents jusqu’au moment où il est considéré comme autonome par l’AFE. Un étudiant acquiert son indépendance s’il répond à un des critères suivants: il a complété un baccalauréat, il a un enfant, il a travaillé pendant deux ans sans étudier à temps plein durant cette période, il a signé un contrat de mariage ou d’union civile.
C’est pour être reconnu comme étant indépendant financièrement que Maxime a accepté de faire le grand saut. «Même si je suis toujours heureux avec Brunon, j’avoue que je ne me serais pas marié si je n’avais pas été dans cette situation.»
Contrairement à Maxime et Bruno qui forment un couple, d’autres contrats maritaux sont signés sans qu’il n’y ait de relation amoureuse entre les époux. C’est le cas d’Olivier, qui a épousé une amie du secondaire avec laquelle il vit en appartement. «Depuis mon mariage, j’ai environ 5 000$ de bourses de plus par année. Je n’aurais pas eu cet argent autrement parce que le revenu de mes parents est trop élevé selon les critères de l’AFE.»
Ces unions arrangées ont beau soulager certains étudiants d’un poids financier, l’avocat en droit familial Christian Dufourd considère que ce genre d’alliance pose un problème éthique. «Aucune accusation n’a été portée contre des personnes qui se sont mariées uniquement pour les prêts et bourses. Il y a cependant un élément qui peut être considéré comme frauduleux lorsqu’on prétend être en couple pour obtenir des avantages.»
Olivier n’aime pas qu’on associe son mariage à un acte frauduleux. Selon lui, ce sont plutôt les critères utilisés par l’AFE pour reconnaître l’autonomie d’un étudiant qui sont déficients. «Certaines personnes ne peuvent pas poursuivre des études à temps plein sans aide financière et parfois, même les parents qui ont un bon revenu ont d’autres obligations qui les empêchent de contribuer aux études de leurs enfants.»
Les étudiants qui payent eux-mêmes leur éducation ne répondent pas toujours aux conditions de l’AFE, reconnaît une conseillère de l’Aide financière de l’UQAM, Juliette Perri. «Il peut être frustrant pour un étudiant de 23 ans, qui n’habite plus chez ses parents depuis l’âge de 17 ans, d’éprouver de la difficulté à démontrer qu’il est autonome au sens de la loi.»
Juliette Perri met toutefois en garde les personnes qui considèrent l’union conjugale comme étant la solution idéale à un budget serré. «Il y a un mythe qui entoure les droits de scolarité et l’état matrimonial. Par exemple, lorsque vous vous mariez, c’est votre conjoint qui prend la place de vos parents. Si votre partenaire a un bon revenu, l’AFE va alors considérer qu’il contribue à vos études.»
Liaisons dangereuses
Au-delà des enjeux moraux et de l’accès aux études, l’avocat en droit familial Réal Beauvais met en garde ceux qui seraient tentés par un mariage de raison. «Il est difficile d’anticiper tous les problèmes qui pourraient survenir. Si un litige surgit, le divorce peut alors prendre plus de deux ans. Lorsqu’on est mariés, le revenu et les dettes sont mis en commun. Cela peut prendre des tournures graves si l’un des deux époux commence à avoir des dettes liées à un problème de jeux ou de toxicomanie.»
Jonathan, qui s’est marié avec son meilleur ami et colocataire, ne s’inquiète pas trop des conséquences juridiques de sa décision. «Nous vivons chacun notre vie et nous avons chacun notre copine. La seule chose qui a changé, c’est que nous devons faire nos déclarations de revenus ensemble. Il y a parfois des réactions amusantes lorsque je mentionne mon état civil et le nom de mon mari à des fonctionnaires, mais c’est tout.» Selon lui, le mariage d’affaires n’est qu’une simple formalité si on choisit le partenaire idéal. «C’est évident que je ne conseille à personne de se marier avec quelqu’un en qui il n’a pas complètement confiance. Mon colocataire a accepté de me rendre service et j’en ai assumé tous les frais.»
Du côté de l’Aide financière de l’UQAM, les conseillers n’enquêtent pas sur les raisons qui ont poussé des étudiants à se marier puisque ce sont des informations privées. Ils déconseillent cependant aux uqamiens de se passer la bague au doigt pour obtenir davantage de prêts et bourses.
Juliette Perri croit malgré tout que ces unions restent marginales. «La plupart de nos étudiants sont célibataires, explique-t-elle. Ce n’est plus comme dans les années 1980 et 1990 où l’idée de se marier pour les prêts et bourses était plus populaire. Je crois que les gens sont mieux informés des autres options offertes pour être considérés comme autonomes.»
* Les noms des mariés cités dans le texte ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
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