L’UQAM entame la rentrée dans un état de précarité financière et administrative aigu dû aux désastres immobiliers qui défraient la manchette depuis bientôt deux ans. Le ministère de la Justice a ordonnée lundi dernier à la Sûreté du Québec d’enquêter sur de possibles infractions criminelles dans ces deux dossiers. L’Université, bien que tous les acteurs de la crise rechignent à l’admettre, est sous tutelle du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). À la suite des démissions de cinq membres du conseil d’administration (CA) au cours des derniers mois, le MELS a inversé la procédure de nomination des administrateurs. Désormais, les recommandations du gouvernement du Québec seront entérinées par le CA et non l’inverse, comme c’était le cas auparavant. De plus, les budgets que la direction de l’UQAM adopte doivent toujours être approuvés par le MELS avant d’entrer en vigueur, un traitement auquel aucune autre université sur le territoire québécois n’est soumise.
Pour ajouter à l’affaiblissement de la direction de l’UQAM, le gouvernement s’obstine à appliquer son injuste loi sur les déficits zéro en retenant des sommes faisant partie du financement normal de l’UQAM tant que l’équilibre budgétaire n’aura pas été rétabli. Le gouvernement crée ainsi ses propres problèmes puisqu’en dernier lieu, l’UQAM demeure une institution publique qui devra être sauvée de la faillite par le gouvernement.
Une direction impuissante
Les gens à la tête de l’UQAM n’ont pas beaucoup de solutions pour améliorer cet état des choses. Le nouveau recteur et son équipe ont, depuis leur entrée en fonction l’automne dernier, redressé à peu de choses près les finances de l’Université, le déficit d’opérations étant ramené à moins d’un million de dollars. La saignée budgétaire appréhendée par plusieurs au sein de l’UQAM n’a pas eu lieu. Les compressions et les pertes d’emploi se sont surtout fait sentir du côté des Services auxiliaires. Les entreprises intra muros fermées au cours des derniers mois ne peuvent pas être qualifiées d’essentielles, ni même d’importantes, la localisation de l’UQAM faisant en sorte que restaurants et boutiques se comptent par dizaines dans son entourage immédiat.
La menace de coupures draconiennes est donc écartée, mais pas disparue. Plus le gouvernement tarde à éponger les dettes immobilières de l’UQAM, dont les seuls frais financiers s’élèvent à 18,6 millions de dollars pour cette année, plus la situation risque de se détériorer. Alors que les finances «normales» de l’Université se redressent, les frais liés aux mésaventures du Complexe des sciences et de l’îlot Voyageur se creusent rapidement. De plus, une fois ces dossiers réglés, l’UQAM restera aux prises avec ses problèmes de financement structurels.
Car au départ, les projets immobiliers visaient à enrichir une institution qui peine à offrir des services de la plus grande qualité possible à ses dizaines de milliers d’étudiants. Si l’Université a tenté d’accroître son financement en se laçant dans l’industrie du bâtiment, c’est qu’elle manquait de locaux, de professeur, de matériel… C’est sur ce sous-financement structurel que devrait pouvoir travailler la direction et les différents groupes d’intérêts qui coexistent au sein de l’Université.
Au cours des prochaines années, le financement public de l’UQAM, comme celui de l’ensemble des universités québécoises, demeurera limité. Le gouvernement québécois a pris ces dernières années des décisions déplorables en ce qui a trait au financement de l’éducation supérieure, la pire étant de convertir 700 millions de dollars, provenant du gouvernement fédéral et destinés aux universités, en baisse d’impôt quelques jours avant les élections du printemps 2007. Toutefois, les actions du gouvernement s’inscrivent dans une tendance sociétale lourde où, pour la première fois depuis trois générations, un double standard selon la richesse des citoyens dans l’accès aux services sociaux est appliqué et en grande partie accepté dans l’ensemble de l’Occident.
L’apparition au Québec au cours des dernier mois de cliniques médicales privées et de circuits de transports en commun «de luxe» est un exemple de ce virage sociétal en faveur de services sociaux dont la qualité s’ajuste selon la capacité de payer du bénéficiaire. L’UQAM ne peut espérer échapper à ce phénomène, et encore moins le modifier.
En réponse au financement gouvernemental minimal des institutions d’enseignement supérieur, la majorité des universités québécoises ont haussé leurs frais afférents. De plus, les rivales montréalaises de l’UQAM peuvent compter sur un réseau de généreux collaborateurs. Tandis qu’à l’UQAM, tous les donateurs institutionnels dont la contribution s’élevaient à plus de 10 000$ l’an dernier sont des groupes provenant de l’intérieur de l’Université (syndicats, groupes de recherches et association étudiante). Les fonds recueillis par les autres universités leur permettent d’offrir à leurs étudiants un enseignement et des installations pédagogiques d’une qualité avec laquelle l’UQAM peut difficilement se comparer.
Vivement que le gouvernement québécois mette la crise financière liée aux projets immobiliers derrière nous. Il sera alors temps de se pencher sur le défi autrement plus décisif du financement à long terme de notre institution, afin qu’elle puisse offrir un enseignement et des services comparables aux autres universités québécoises et canadiennes.
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