Les femmes mettent leurs bobettes

Depuis vingt ans, la Birmanie est sous le joug d’un régime militaire qui maintient le pays dans un état de crise permanent. Les femmes, particulièrement opprimées, demandent à leurs consœurs de partout dans le monde d’ouvrir leur tiroir de lingerie pour mettre fin aux agressions dont elles sont victimes.

 

Photo Louis Forest - Les uqamiennes ont répondu à l'appel de la délégation Droits et Démocratie de l'UQAM en faisant don de leurs petites culottes.

 

Du 8 au 11 septembre, la délégation de Droit et Démocratie de l’UQAM invite les étudiantes à donner une petite culotte afin d’appuyer la campagne P’tites culottes pour la paix. L’organisme de défense des droits de la personne acheminera le butin jusqu’à l’ambassade de la Birmanie au Canada, qui depuis 2007 est la cible de nombreux envois provocateurs du même genre. Les sous-vêtements s’ajouteront aux milliers déjà envoyés aux militaires des ambassades birmanes dans neuf autres pays. Cette initiative de femmes exilées de la Birmanie, regroupées sous le nom de Lanna Action for Burma (LAB), agace le pouvoir birman qui renvoie désormais tous les colis suspects à leurs destinateurs.

 

«Les vêtements féminins portés sous la taille sont perçus comme souillés, explique l’agente pour l’organisme Droit et Démocratie, Mika Lévesque. Toucher à une culotte de femme enlèverait le pouvoir et les militaires croient dur comme fer à cette superstition discriminatoire. Les femmes ont utilisé ce tabou et c’est devenu un moyen efficace de faire valoir leur position.» Une trentaine de regroupements québécois appuie la campagne internationale et de nombreuses femmes ont répondu à l’appel depuis le printemps dernier. «Il y a une très belle réponse de la part des femmes du Québec. On a même reçu une lettre des îles-de-la-Madeleine, c’est touchant de voir ça. On éveille les gens à la situation», soutient Mika Lévesque en applaudissant le côté pacifiste de la campagne. La coordonnatrice de la Fédération des femmes du Québec, Nancy Burrows, abonde dans le même sens et salue les effets positifs d’une telle campagne pour les Québécoises. «Plusieurs groupes organisent des cafés-rencontres. Les femmes de partout dans le monde partagent certaines réalités et luttent contre la violence. La réponse à la campagne pour les femmes birmanes a fait boule de neige et donne espoir aux femmes d’ici. Elles sont comme des consœurs!» Selon Mika Lévesque, les groupes de défense pour les femmes voient les manifestations de soutien comme une vraie thérapie. «LAB n’est pas l’ONU, ce n’est pas un parti politique, ni une ONG. Ce n’est pas une organisation, c’est plutôt une désorganisation de femmes en colère qui est devenue importante à cause de la participation de plusieurs pays», insiste Liz Hilton, une alliée des femmes de LAB.

 

Poursuivre la campagne
Avec tous les revirements que connaît le pays depuis le passage du cyclone Nargis en mai dernier, l’impact des témoignages et la solidarité qui découlent de l’envoi des sous-vêtements sont très réconfortants pour les femmes de la Birmanie, soutient Nancy Burrows. «Il y a un impact à cause du caractère saugrenu de la campagne», confie-t-elle. La coordonnatrice du réseau étudiant pour Droit et Démocratie de l’UQAM, Sophie Rondeau, a bon espoir que la campagne fasse plus que réconforter les Birmanes. «Il faut appuyer la campagne et mettre en lumière les crimes. Notre objectif est de faire tomber le régime militaire», lance-t-elle avec confiance.

D’après Mika Lévesque, les erreurs des militaires lors du séisme Nargis les forceront davantage à dialoguer. «La brutalité et les mauvais traitements perpétrés par le pouvoir birman doivent être dénoncés. Il y a beaucoup de travaux forcés en Birmanie. Des travaux d’un jour à une semaine. Chaque village envoie des volontaires sur les chantiers, mais les militaires leur demandent aussi des filles pour être leurs escortes. S’ils disent non, les militaires brûlent le village. Les filles choisies deviennent les esclaves sexuelles et elles sont gardées dans les baraques des militaires.» Madame Burrows s’inquiète elle aussi du régime corrompu et du sort des femmes. «Il ne faut pas oublier que le corps des femmes est utilisé comme arme de guerre. La violence envers elles est fréquente, et ce, depuis longtemps», note-t-elle tristement. «Le seul fait que cette campagne existe, que la Birmanie soit une cible pour plusieurs pays, c’est déjà terrible pour les militaires», conclut Mika Lévesque sur une note positive.

La collecte des culottes se fera au niveau métro du pavillon Hubert-Aquin jusqu’au 11 septembre. L’organisme Droits et Démocratie de l’UQAM enverra les sous-vêtements à l’ambassade de la Birmanie au Canada.

 

La Birmanie après Nargis
Le cyclone Nargis qui a ravagé le pays en mai dernier a attiré de nombreuses critiques à l’égard de la junte militaire. Le régime a bloqué l’aide internationale, tandis que des centaines de milliers de personnes attendaient les secours. Le cataclysme a révélé la dureté des militaires, exposant ainsi la réalité politique du pays. Depuis la tragédie, plusieurs figures politiques ont ordonné aux militaires de coopérer et de changer leurs méthodes d’action. Selon un rapport de l’ONU publié en 2007, une dizaine de représentants des États membres avait demandé au Conseil de sécurité de s’engager dans une lutte à la répression, «puisque la situation en Birmanie présente également une menace pour la stabilité au-delà des frontières du pays».

Régime militaire
Depuis 1962, la population de la Birmanie est contrôlée par un régime militaire. Tenu au silence, le peuple garde en mémoire les terribles conséquences des manifestations pacifistes de 1988, où 3 000 étudiants et militants pro-démocratie ont été tués par l’armée. L’agressivité des militaires avait soumis les citoyens aux pires violations des droits humains et effacé tout espoir de changements. Lors des dernières élections, tenues en 1990, la Ligue nationale pour la démocratie, le parti politique de Aung San Suu Kyi, chef de l’opposition et fille du héros de l’indépendance, Aung San, a remporté les voies par 82%. Le parti militaire State Law and Order Restoration Committee a nié les résultats et imposé le pouvoir militaire. Depuis ce jour, Aung San Suu Kyi est maintenue chez elle sous la surveillance de l’armée. On compte également de nombreux prisonniers politiques en Birmanie et les exils sont fréquents.

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