La plateforme de diffusion en direct Twitch est devenue bien plus qu’un lieu de sport électronique et de jeux vidéo. Diffuseurs et diffuseuses, aussi appelé(e)s streamers,y gagnent leur vie en monnayant les multiples facettes de leur quotidien et l’accès à leur intimité.
« Une fois que j’ai surfé sur les catégories de la plateforme, j’ai vu que tout était possible », confie Lionnely, de son vrai nom Lory*, une streamer de variété.
Lancée en 2011, Twitch devient un espace de création polymorphe, à son avis. « Ça peut être des discussions, de la cuisine, des voyages, des défis », dit-elle. Le contenu dit diversifié aurait même détrôné le jeu vidéo sur Twitch, avance quant à elle Clara Lhotellier, étudiante à la Maîtrise en communication – concentration en jeux vidéo et ludification à l’UQAM. « C’est quasiment ce qui occupe le plus de place sur Twitch. »
L’avènement du in real life (IRL) et du Just Chatting, soit des formats ancrés dans le moment présent, a ouvert la voie à une explosion de contenus non liés aux jeux vidéo sur Twitch, selon les expertes rencontrées par le Montréal Campus. Nulukie McMahon, streamer qui fait du Just Chatting et du IRL, soutient que ses abonné(e)s aiment la spontanéité. « Pendant un stream, j’ai appelé ma mère, qui n’a pas la langue dans sa poche. [C’était] un moment super drôle », raconte-t-elle.
Télé de proximité
Lionnely a constaté que la plateforme se démarque des autres par son espace interactif. « On ne va pas s’asseoir devant et gober l’information », fait-elle savoir. L’animatrice d’événements en ligne rallie une centaine d’abonné(e)s de tous âges en moyenne par soirée.
L’ascension du streaming révèle un désir de virtuel « plus réel », explique Laurence Daoust-Gref, également étudiante à la Maîtrise en communication – concentration en jeux vidéo et ludification à l’UQAM. « Twitch l’emporte [par rapport aux autres plateformes] au niveau de l’interactivité dans le chat [clavardage]», partage-t-elle. Divers outils contribuent à « dynamiser » les échanges, selon l’étudiante, comme les dons de bits et de cheers,les monnaies virtuelles de l’application. « Ça permet de créer une vraie relation entre le créateur et son public », assure Mme Daoust-Gref.
La candidate à la maîtrise soutient que Twitch est un leader mondial du streaming grâce à sa dimension communautaire et ses événements de grande envergure. « Il y a un TwitchCon chaque année où tous les créateurs se réunissent et rencontrent leurs abonnés », révèle Mme Daoust-Gref.
Des streamers participent à des subathons de diffusion, soit la fusion de subscribe (s’abonner en anglais) et de marathon. Pendant plusieurs jours, le compteur de la diffusion « n’arrête jamais tant que les gens s’abonnent et font des dons », spécifie Lionnely.
Vivre du direct
Depuis juillet, Twitch a révisé ses seuils de monétisation, rendant plus accessible le statut de créateur et créatrice rémunéré(e). En fonction des paliers d’objectifs de visionnement et d’abonnement atteints, les diffuseurs et diffuseuses reçoivent environ 50 % à 70 % des revenus qu’ils et elles génèrent sur la plateforme en plus des dons de leurs abonné(e)s.
« Quand tu passes énormément de temps dessus, tu es content que ton contenu vienne chercher du monde », soutient Mme Lhotellier.
Toutes les intervenantes interrogées par le Montréal Campus s’entendent pour dire que cette plateforme s’est transformée en un véritable écosystème économique dont le modèle repose sur la publicité, l’exploitation des données et les dons.
« Être rentable, ce n’est pas facile à atteindre quand tu commences et que tu n’as pas de communauté », soulève Nulukie.
Sexisme
Diversifier son canal de diffusion permet à la streamer de 22 ans d’en faire son gagne-pain. « C’est super important de ne pas rester juste sur Twitch, au début. » De courts extraits déposés sur TikTok lui ont, entre autres, permis d’accumuler des abonné(e)s.
« Elles sont très présentes, si ce n’est quasiment plus de la moitié des [streamers] sur la plateforme », croit Mme Lhotellier dont le mémoire de maîtrise porte sur la condition des femmes sur Twitch. Nulukie a remarqué que vivre devant la caméra vient avec un lot de commentaires sexistes. « Beaucoup de gens mettent plus en valeur votre apparence physique que notre contenu. » « Je ne veux tellement pas être sexualisée que je m’habille toujours avec des cols ronds », témoigne pour sa part Lionnely. Les critiques se font plus rares, mais leur présence nuit à un épanouissement complet des créateurs et créatrices, dit-elle. « Twitch, c’est ma passion, mais c’est aussi un monde de trolls qui te rappellent que tu es laide. »
* : Le nom de famille de Lory est tu à sa demande par mesure de sécurité.



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