Faire carrière dans l’industrie du potentiel

Devenir la meilleure version de soi-même : tel est l’objectif que des coachs de vie vous promettent d’atteindre. Depuis quelques années, ils et elles se multiplient sur les réseaux sociaux, attirant une jeune clientèle en quête de modèles. 

Jimy Vaudrin, 23 ans, s’est tourné vers des coachs de vie comme Charles Côté, alias Drôlement Inspirant, pour l’aider à relever les défis de la vie. Il cherchait à améliorer certains aspects de son quotidien, allant de sa manière de communiquer à sa façon de voir la vie en général. 

Pour Jules Fortin, jeune homme de 20 ans travaillant en restauration, les coachs de vie sont des « modèles », autant au point de vue physique que mental. « Tu vois leur physique, ça te donne un objectif », affirme-t-il. Il suit sur Instagram des coachs comme Alexis Séguin ou MatLovePain, qui prônent de meilleures habitudes de vie, dont la musculation. 

À toutes les sauces

Le coaching est un métier difficile à définir, puisqu’il n’y a pas d’ordre professionnel qui le régit. Pour Geneviève Beaulieu-Pelletier, professeure au Département de psychologie à l’UQAM, le coach de vie est quelqu’un(e) qui offre un accompagnement, mais aussi de la motivation dans le but de « développer un potentiel ». 

Les déclinaisons sont variées : certain(e)s coachs axent leur pratique sur le bien-être et les relations interpersonnelles, tandis que d’autres privilégient la réussite financière ou encore l’obtention d’un physique « idéal ».

Louis Racicot est coach sur les réseaux sociaux depuis 2020. Il s’est fait connaître par des vidéos virales où il se présentait torse nu, criant à ses abonné(e)s d’adopter la mentalité des « Spartiates ». Aujourd’hui, son approche a complètement changé. Il a abandonné son personnage de « brute » pour être plus authentique, soutient-il. Il se spécialise désormais en communication pour « aider les formateurs et les entrepreneurs à mieux parler sur une scène », précise-t-il. 

En quelques étapes

La popularité des coachs de vie s’explique surtout par l’accessibilité de ce qu’ils et elles partagent, constate la Dre Beaulieu-Pelletier. Les discours motivants, du genre « crois en toi, tu as tout ce qu’il faut », font du bien à ceux et celles qui les écoutent, affirme-t-elle. 

Ce type d’approche est plus attrayant, selon elle, que la psychothérapie, qui demande davantage d’introspection. Les coachs vont aussi offrir des recettes qui promettent « d’aller mieux plus rapidement », soulève la psychologue.

Cette accessibilité est également exacerbée par leur présence accrue sur les réseaux sociaux. Il n’est plus nécessaire de se rendre à des événements ou d’aller à des rencontres pour se faire « coacher », remarque la Dre Beaulieu-Pelletier. Ces coachs, qui sont aussi créateurs et créatrices de contenu, usent de techniques de vente propres à ces plateformes algorithmiques pour générer des vues et aller chercher de potentiel(le)s client(e)s, dit-elle. 

Choisir un(e) coach

Même si les réseaux offrent une belle visibilité, les coachs doivent inspirer la confiance pour vendre leurs services. Celle-ci se construit avec, entre autres, beaucoup d’assurance et de charisme, souligne Geneviève Beaulieu-Pelletier. 

Certain(e)s coachs vont aussi utiliser des concepts issus de la psychologie pour enrober leur propos, leur donnant une apparence plus scientifique, selon la professeure. « C’est un peu l’équivalent de “je mets un sarrau blanc, puis là je suis devenue crédible” », illustre-t-elle. 

Des coachs n’hésitent pas à montrer qu’ils et elles ont aussi des faiblesses, ce qui les rend d’autant plus accessibles auprès du public, mentionne la Dre Beaulieu Pelletier. Coach Racicot est conscient que partager sa propre expérience ajoute de la crédibilité à son discours. S’il explique comment il est parvenu à surmonter sa propre anxiété grâce à certaines méthodes, les gens qui souffrent de la même condition seront plus portés à l’écouter, constate-t-il. 

Les deux jeunes hommes rencontrés par le Montréal Campus se fient à leur propre jugement pour décider quel(le)s coachs méritent leur attention. Le nombre d’abonné(e)s, aussi, pèse dans la balance. Mais surtout, les vingtenaires ont vu l’effet de ces conseils sur leur propre vie. 

Jimy confie que ses nouvelles habitudes lui ont permis d’améliorer sa confiance en soi et ses relations avec son entourage. 

Pour Jules, le changement est encore plus radical. Ayant arrêté le cégep, il produit depuis deux mois son propre contenu d’inspiration. Avec son compte Instagram, il souhaite à son tour inspirer ses abonné(e)s à optimiser leur potentiel physique et mental. 

Gare aux pièges

Bien que l’expérience de Jules et Jimy soit positive, la Dre Beaulieu-Pelletier mentionne qu’il faut rester prudent(e). Les coachs peuvent représenter un danger pour certaines personnes si l’accompagnement ne se fait pas de la bonne façon, surtout si elles traversent une période difficile. Les coachs peuvent exploiter cette vulnérabilité en additionnant les formations, conférences et retraites dispendieuses. 

Sans ordre professionnel, il n’y aucun moyen de protéger les gens qui utilisent les services des coachs, d’après la psychologue. 

Selon Annie Saint-Pierre, réalisatrice du documentaire Le Plein Potentiel, le phénomène des coachs de vie est lié à notre société « hyper individualiste », qui rend les gens entièrement responsables de leurs problèmes.

Toutefois, le coaching peut offrir beaucoup de positif, remarque-t-elle. À son avis, la beauté de cette pratique se trouve dans la relation entre le ou la coach et l’apprenant(e). « Souvent, tu deviens coach parce que tu es passé à travers un moment où toi-même, tu as eu besoin de quelqu’un, un mentor », constate Mme Saint-Pierre.  

C’est précisément ce qui a poussé Louis Racicot à prendre cette voie. À la suite d’une rupture amoureuse, il a suivi des formations pour « devenir une meilleure personne » et a voulu partager ses acquis. « J’avais besoin d’un certain mentor. Je suis devenu le coach que j’aurais voulu avoir. »

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