Bien intégré(e) ?

Alors que l’intégration des immigrant(e)s revient fréquemment dans l’actualité et que le gouvernement présente le nouveau projet de loi 84 sur l’intégration nationale, je me pose la question : qu’est-ce qu’une bonne intégration implique, exactement ?

Déjà, je ne crois pas qu’il y ait d’intégration parfaite ou de modèle idéal, encore moins de « bons » et de « mauvais » immigrant(e)s. Mais il y a, certes, certains objectifs à atteindre pour parler d’une intégration réussie qui ne relèvent pas d’accomplissements glorieux ou d’attentes subjectives.

Rachida Azdouz, psychologue et chercheuse au Laboratoire de recherche en relations interculturelles de l’Université de Montréal, énumère trois facteurs d’intégration qui sont observables : le facteur linguistique, socio-économique et politique.

Ainsi, un(e) immigrant(e) qui apprend la langue, qui travaille et paie ses impôts et qui participe à la vie démocratique et citoyenne, il va de soi de considérer cette personne intégrée. 

On nous présente des immigrant(e)s modèles qui ont accompli des choses exceptionnelles comme modèle d’intégration, mais ce ne sont pas des attentes réalistes. S’en tenir à ces trois facteurs, c’est suffisant. Cela dit, trop souvent, les attentes vont au-delà de ces trois facteurs pour être considéré(e) « bien intégré(e) », et je ne crois pas que ça devrait être le cas. 

Mme Azdouz aborde notamment l’aspect du sentiment d’appartenance. Toutefois, c’est un facteur qui n’est pas mesurable, puisqu’il provient d’un ressenti. La chercheuse explique que ce n’est pas un élément obligatoire : « On peut très bien être intégré, c’est-à-dire être un citoyen ordinaire qui évolue dans la société, qui participe à sa société, qui respecte les lois, mais qui peut très bien considérer que c’est un citoyen du monde. »

Bien que je valorise l’appartenance à une société et que je la crois souhaitable, je suis d’avis que l’absence de ce sentiment ne rend pas une intégration moins légitime. 

Je connais plusieurs personnes, de proche ou de loin, qui ne vont pas explicitement se définir comme des Québécois(es), mais qui vont autant s’impliquer dans la société que les autres. Le sentiment d’appartenance n’est pas quelque chose qu’on peut forcer ou imposer à quelqu’un. 

Et ces raisons de non-appartenance sont multiples et propres à chacun(e). « Il y a des personnes qui peuvent considérer, pour toutes sortes de raisons, qu’elles viennent d’ailleurs, je prends l’exemple d’une personne qui est venue très tard dans un pays, ou quelqu’un qui est réfugié, qui n’a pas émigré par choix, qui a émigré par obligation », explique la psychologue.

Mme Azdouz rappelle aussi que ce ressenti peut varier en fonction des événements auxquels ces personnes font face, que ce soit par exemple de vivre le deuil d’un(e) proche à l’étranger, d’avoir vécu un épisode de racisme, etc. Ainsi, « le processus d’intégration n’est pas quelque chose de linéaire ou d’ascendant. Il y a des allées et des retours. Il y a des moments, des fois, où [les personnes] replient », explique Mme Azdouz. 

On ne peut donc pas avoir cette attente pour parler d’intégration réussie. Sans pouvoir le forcer, on peut toujours susciter le sentiment d’appartenance en espérant que les personnes adhèrent en cultivant un discours attrayant. 

«  On entend un discours négatif à longueur de journée sur les immigrants, qu’ils ne s’intègrent pas, qu’ils sont responsables de la crise du logement, qu’ils imposent leurs valeurs, qu’ils imposent leurs religions. C’est sûr que ça ne donne pas envie d’appartenir [à la nation]. Ce n’est pas attrayant comme discours », explique la chercheuse. 

Bien que l’ouverture à l’autre va dans les deux sens, c’est peut-être en appréciant davantage la contribution des immigrant(e)s à la société que l’on peut cultiver le sentiment d’appartenance. Pensons aux éducateurs et éducatrices de la petite enfance, aux préposé(e)s aux bénéficiaires ou encore aux « anges gardiens » dont on parlait pendant la pandémie. Ils sont là, les vrais modèles.

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