« Quand je suis à la maison, je n’ai pas la tête aux études », admet Marcia Fragoso. Les étudiant(e)s proches aidant(e)s comme elle doivent composer avec des enjeux comme la fatigue, le stress et le décrochage scolaire.
Marcia Fragoso est étudiante au Certificat en français langue seconde à l’UQAM et fait face à deux enjeux quotidiens : être parent et côtoyer un handicap neurologique. Son mari est atteint d’autisme et sa fille de trois ans a reçu un diagnostic similaire en décembre 2023. La session dernière, l’enfant a fréquenté la garderie de l’université, ce qui a offert un réconfort mental à Marcia. « Pour moi, c’était un grand cadeau », reconnaît-elle.
L’étudiante raconte que depuis l’automne 2023, sa fille a développé des troubles du langage et ne parle pratiquement plus. « Maintenant, elle reste à la maison et elle reçoit une thérapie de langage », indique-t-elle.
Puisque Marcia a pris la décision de retirer sa fille de la garderie dû à son trouble du langage, son mari Miguel et elle doivent jongler avec le travail, les études et la vie de famille. Miguel travaille 40 heures par semaine sur quatre jours chez Amazon. « Mes congés sont quand ma femme est à l’école. On essaie de trouver le temps pour être avec notre fille », dit-il.
Celui-ci a toutefois du mal à suivre un horaire et à se rappeler de ses responsabilités. « J’ai beaucoup de difficulté à me souvenir de la date et de toutes les choses qu’on a besoin de faire. C’est Marcia qui gère l’emploi du temps », confesse-t-il.
La tête ailleurs
Devant cette surcharge, Marcia Fragoso peine à se consacrer pleinement à ses études. « Quand je suis à la maison, je n’ai pas la tête à faire mes devoirs et je mets beaucoup de temps à les compléter », avoue-t-elle.
La chargée de projet pour les jeunes proches aidant(e)s pour le Regroupement des aidantes et aidants naturels de Montréal (RAANM), Valérie Boucher, a rencontré une centaine d’intervenant(e)s dans plusieurs établissements scolaires, du secondaire au cégep. Ils et elles lui ont fait part des réalités de certain(e)s de leurs étudiant(e)s.
« Une étudiante qui surveille les caméras de chez elle sur son cellulaire quand elle est en cours parce que sa mère met le feu partout », voilà un exemple de situations que vivent les étudiant(e)s qui habitent avec un proche malade, selon Mme Boucher.
Elle souligne que le fait d’avoir un proche malade ou en perte d’autonomie engendre des difficultés telles que « la fatigue, l’anxiété, le décrochage scolaire et l’isolement ». De plus, ces étudiant(e)s s’impliquent rarement dans les activités parascolaires.
« Ils ne peuvent pas tout faire, donc il faut couper quelque part. »
– Valérie Boucher
Une « reconnaissance symbolique »
Selon l’employée du RAANM, « cette réalité est peu abordée dans les écoles et les jeunes proches aidant(e)s passent à travers les mailles des établissements scolaires et du discours public ». Le projet qu’elle pilote a comme mission de sensibiliser les écoles à la conciliation des études et de la proche aidance. Elle explique que les jeunes se reconnaissent rarement dans la définition de proche aidant(e).
Des discussions sont en cours à l’UQAM concernant une politique relative à la parentalité et à la proche aidance étudiante. Celle-ci a été déposée par le Comité de soutien aux parents étudiants de l’UQAM (CSPE-UQAM).
Initialement, cette politique ne visait que les parents, « mais toutes les personnes dans le comité étaient d’accord que ça n’avait aucun sens de parler des parents aux études sans aussi parler des personnes proches aidantes », explique Donia Mansour, représentante de l’AFESPED au CSPE-UQAM. « C’est le même type de charge familiale », renchérit-elle.
Selon Mme Mansour, « cette politique est un point de départ au niveau de la proche aidance ». Elle permettrait aux étudiant(e)s proches aidant(e)s d’acquérir une certaine « reconnaissance symbolique » de l’Université et d’obtenir le « statut réputé temps plein ». « On prend en compte le fait qu’ils ont une charge de travail non rémunérée qui est importante », ajoute-t-elle. De son côté, Marcia Fragoso se réjouit de l’ambiance solidaire à l’UQAM. Des services tels que des rencontres avec un(e) psychologue et un orienteur ou une orienteuse lui sont offerts. « Je sens le soutien de l’Université, je suis heureuse d’être ici », livre-t-elle.
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