Le groupe innu Maten a lancé le 30 mars dernier Utenat, son quatrième album. Pour l’occasion, le Montréal Campus s’est entretenu avec Mathieu McKenzie, guitariste et chanteur de Maten, à propos de ce dernier opus et du rayonnement de la culture innue au Québec.
Maten fait son apparition sur la scène musicale québécoise en 2001, avec l’album Akua tutu. Le trio, composé de Mathieu McKenzie, Kim Fontaine et Samuel Pinette, a par la suite publié les albums Tshi Metuatshen (2004) et Maten (2016).
Le groupe originaire de Uashat Mak Mani-utenam (Maliotenam), une communauté innue située à une quinzaine de minutes de Sept-Îles, offre au public une discographie 100 % innue-aimun. Malgré la barrière linguistique, les chansons du groupe parviennent à accrocher l’oreille des auditeurs et auditrices. Les textes racontent la réalité des Autochtones du Canada avec autant de lucidité que d’espoir.
L’un des membres de Maten, Mathieu McKenzie, est le fils de Florent Vollant. Accompagné de Claude McKenzie, Florent Vollant a créé Kashtin, un duo country folk innu qui a connu un succès considérable au Québec dans les années 1980 et 1990. Premier succès commercial innu de l’histoire musicale du Québec, Kashtin est parvenu à paver la voie à de nombreux autres talents autochtones. « J’ai vu mon père se produire au théâtre St-Denis et devant les grosses foules du Festival d’été de Québec. Je baigne dans le milieu [de la musique au Québec] depuis que je suis jeune », témoigne-t-il avec fierté.
L’effervescence culturelle de Uashat Mak Mani-utenam
Depuis 1984, la communauté de Uashat Mak Mani-utenam est l’hôte de l’un des plus importants festivals de musique et d’art autochtone en Amérique du Nord, soit le festival Innu Nikamu. L’événement se tient sur le site de l’ancien pensionnat Notre-Dame de Maliotenam, faisant « de cet endroit au lourd passé un lieu de célébration d’une culture qui refuse de s’éteindre », peut-on lire sur le site Internet du festival.
Uashat Mak Mani-utenam et les communautés innues avoisinantes constituent depuis de nombreuses années une véritable pépinière à talents musicaux. Hormis les membres de Kashtin et de Maten, les musiciens et musiciennes Matiu, Shauit, Kanen et Scott-Pien Picard sont originaires de ce coin de pays.
« Nous, on a grandi dans la musique en regardant Claude [McKenzie], Florent [Vollant] et d’autres artistes méconnus du grand public qui se sont produits au festival. On avait sept ou huit ans, et on regardait ces chanteurs et ces chanteuses chanter. À un moment donné, on les a imités et on a appris à jouer de la guitare, de la basse et du drum », raconte Mathieu McKenzie.
Raconter un territoire
Utenat se distingue des trois autres albums de la formation innue avec des pièces maniant l’indie-rock, le folk et les sons traditionnels autochtones. « Utenat signifie grande ville en innu. On a voulu aller chercher une sonorité un petit peu de la ville. Ça bouge vite, les rythmes et les sons aussi », explique Mathieu McKenzie.
C’est ce qui fait d’Utenat un album agréable à écouter. Le groupe est parvenu à composer dix chansons aux propos évocateurs et aux rythmes variés. Maten réussit dans ce quatrième album à garder son identité musicale, tout en présentant des tonalités qui peuvent séduire les amateurs et amatrices de folk rock. Des pièces comme Nitepuatauat et Tshika ui pishikun incarnent bien ce mariage entre les traditions musicales autochtones et la musique populaire nord-américaine.
Malgré ses tonalités plus « urbaines » selon ses membres, le groupe reste totalement ancré dans le Nitassinan, ce vaste territoire ancestral innu qui regroupe la quasi-totalité du Labrador et de la Côte-Nord. « Le territoire qu’on occupe, que nos grands-parents occupaient, c’est tout ça ! Quand on écrit, il y a tout le temps une chanson qui raconte notre territoire », explique le membre de Maten.
Ceci étant dit, la création d’Utenat a débuté en plein cœur de la pandémie. Le dernier album de Maten est également un hymne à la résilience : « pendant la pandémie, [il] y a eu beaucoup de problèmes de santé mentale. [Autant chez les] jeunes que chez les moins jeunes. C’était tough, la COVID, quand même. Ça nous a donné le goût de parler d’espoir et de courage », déclare Mathieu McKenzie.
Outre le désir de réchauffer les cœurs meurtris par la pandémie, le groupe souhaite promouvoir les cultures et langues autochtones en faisant des spectacles aux quatre coins du Québec. « On veut faire découvrir la richesse culturelle qu’on a au Québec. Nos textes, on les fait avec cœur. On raconte la réalité autochtone au Québec et au Canada en général. C’est ce qu’on chante. Dans nos chansons, on essaie de se réapproprier la fierté d’être innu », résume le chanteur.
Mention photo : Stéphanie Richard
Laisser un commentaire